La Turquie a demandé jeudi au Conseil de sécurité de l'ONU la création de zones protégées en Syrie pour retenir les Syriens candidats à l'exil. Mais la réunion des ministres des Affaires étrangères des quinze membres du Conseil n'a débouché sur aucune nouvelle résolution.
Depuis plusieurs jours, la Turquie, qui fait face à un afflux massif de réfugiés syriens, pousse à la mise en place de telles zones. Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a demandé jeudi soir devant le Conseil la mise en place "sans délai de camps pour personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie". "Il est évident que ces camps devront bénéficier d'une totale protection", a-t-il ajouté.
La Turquie, qui a déjà consacré plus de 300 millions de dollars à accueillir 80'000 réfugiés syriens, "ne peut pas faire face au flot actuel de réfugiés" dont 10'000 attendent à la frontière, a affirmé le ministre. Il a également fustigé la paralysie du Conseil de sécurité dans la crise syrienne qui dure depuis 17 mois. "Je pensais que cette réunion déboucherait sur des solutions concrètes aux souffrances du peuple syrien. "Nous n'avons rien de neuf à dire aux milliers de Syriens qui souffrent aux mains du régime, alors que l'ONU est piégée par l'inaction."
Opposition chinoise et russe
Lors d'une conférence de presse en amont de la réunion ministérielle du Conseil, les ministres français et britannique des Affaires étrangères Laurent Fabius et William Hague ont, eux, reconnu que la création de zones tampons poserait d'énormes problèmes. "En ce qui concerne les zones protégées, nous n'excluons aucune option pour l'avenir", a déclaré William Hague. Mais "cette idée se heurte à des difficultés considérables", a-t-il déclaré.
Pour Laurent Fabius, "tout est sur la table" mais il faut "regarder les réalités": pour protéger ces zones, il faudrait "des moyens militaires importants" et une résolution de l'ONU afin "d'agir sur la base de la légalité internationale". Selon William Hague, "il y a peu de chances que le Conseil de sécurité donne son aval" en raison de l'opposition résolue de la Russie et de la Chine.
Jeudi, ni le chef de la diplomatie russe ni celui de la Chine n'était à New York, rappelant ainsi l'impasse dans laquelle se trouve l'ONU. Pour le Haut commissaire de l'ONU aux réfugiés Antonio Guterres, "l'expérience a montré malheureusement qu'il est rarement possible de fournir une protection et une sécurité efficaces dans de telles zones".
Une allusion implicite au massacre de Srebrenica, en Bosnie en 1995, perpétré dans une enclave officiellement protégée par l'ONU. Selon Laurent Fabius, il faut d'abord aider les "réseaux de solidarité locaux qui oeuvrent sur le terrain" dans les régions qui sont passées sous le contrôle de l'opposition, afin de préparer "l'après-Assad". Laurent Fabius a exigé du gouvernement syrien qu'il laisse les organisations humanitaires "accéder librement à toutes les populations" en Syrie.
agences/jgal
Un journaliste américain enlevé
Un journaliste américain indépendant qui avait disparu depuis deux semaines en Syrie est détenu par les forces du régime Assad, ont annoncé jeudi le Washington Post et le groupe de presse McClatchy, ses derniers employeurs.
Selon le Washington Post, qui cite des sources diplomatiques, Austin Tice, 31 ans, était détenu près de Daraya, dans la banlieue de Damas, où ont lieu de violents combats entre les rebelles et l'armée régulière.
L'ambassadrice tchèque en Syrie Eva Filipi, qui représente les intérêts américains sur place depuis la fermeture de la mission américaine, avait en effet déclaré lundi sur une télévision tchèque que le journaliste était en vie et détenu par les forces gouvernementales près de Damas, où les rebelles combattent l'armée regulière.
"Nous examinons les informations selon lesquelles Austin Tice est entre les mains des autorités syriennes", a de son côté déclaré Marcus Brauchli, directeur général du Post. "Si elles sont avérées, nous exhortons les autorités à le relâcher rapidement et en bonne santé".
Plus de moyens pour l'humanitaire
La Grande-Bretagne et la France ont par ailleurs annoncé un effort humanitaire supplémentaire de 3 millions de livres (4,5 millions de francs) et respectivement 5 millions d'euros (6 millions de francs).
La tenue rapide d'une réunion sur le financement des agences de l'ONU et une plus grande solidarité envers les pays voisins de la Syrie a en outre été exigée.
Pour l'instant un appel de fonds pour les opérations humanitaires de l'ONU en Syrie et dans les camps de réfugiés voisins n'a recueilli que 196 millions de dollars sur les 373 millions souhaités.
Selon l'ONU, il y a au moins 1,2 million de personnes déplacées en Syrie, et 2,5 millions de personnes affectées par le conflit. 221'000 réfugiés syriens sont recensés dans des camps en Turquie, Jordanie, Liban, et en Irak.
Près de 15'000 réfugiés de plus en trois jours
Le flux des réfugiés syriens dans les pays voisins continue à augmenter et le mouvement s'accélère avec 15'000 arrivées de plus en trois jours, s'est inquiété vendredi le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
"Le nombre total de réfugiés syriens enregistrés ou attendant d'être enregistrés était de 228'976 à la date du 29 août, contre près de 215'000 le 26 août", a indiqué l'organisation internationale dans un communiqué.
"Nous continuons de voir une progression constante", a dit un porte-parole de l'agence humanitaire, Adrian Edwards, qui a donné aux médias le détail des chiffres par pays.
Le HCR constate ainsi une augmentation du nombre de Syriens qui arrivent dans la plaine de la Bekaa au Liban, avec près de 2'200 nouveaux arrivants la semaine passée, soit quasiment le double de la semaine précédente.
En Turquie, plus de 80'000 personnes vivent dans 11 camps et écoles, selon les chiffres des autorités, cités par le HCR. Trois nouveaux camps, disposant chacun d'une capacité d'accueil de 10'000 personnes, devraient encore ouvrir dans ce pays en septembre.
Par ailleurs, en moyenne près de 1'400 Syriens arrivent chaque jour en Jordanie où sont comptabilisés plus de 72'000 réfugiés.