Le prix Nobel de la paix 2012 a été décerné à l'Union européenne, a indiqué vendredi le comité Nobel à Oslo. L'UE succède au palmarès à la présidente du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf, à Leymah Gbowee, libérienne elle aussi, et à la militante yéménite Tawakkul Karman, lauréates 2011.
"L'UE et ses ancêtres contribuent depuis plus de six décennies à promouvoir la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe", a déclaré à Oslo le président du comité Nobel norvégien Thorbjoern Jagland pour expliquer cette distinction.
Un contexte difficile
Ce Nobel est attribué sur fond de désunion des Etats européens, dont la solidarité est actuellement mise à rude épreuve, les riches économies du Nord traînant des pieds pour venir en aide aux pays du Sud financièrement asphyxiés par une dette publique excessive et soumis à des cures d'austérité.
Un test dont les résultats sont encore en suspens mais qui a d'ores et déjà révélé de profondes fissures dans l'édifice européen, déjà en mal de popularité au sein des opinions publiques pour qui Bruxelles est souvent éloigné et trop bureaucratique.
"L'UE connaît actuellement de graves difficultés économiques et des troubles sociaux considérables", a reconnu Thorbjoern Jagland.
"De la guerre à la paix"
"Le comité Nobel norvégien souhaite focaliser sur ce qu'il considère comme le résultat le plus important de l'UE: la lutte réussie pour la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme", a-t-il ajouté, faisant valoir qu'elle avait contribué à muer l'Europe "d'un continent de guerre vers un continent de paix".
Paradoxalement, la Norvège, pays hôte du Nobel de la paix, n'est pas membre de l'UE.
Le prix sera officiellement remis le 10 décembre à Oslo.
agences/char
L'Union européenne en bref
Créée par six pays en 1957 dans le cadre du Traité de Rome, la Communauté européenne s'est progressivement développée pour représenter désormais 27 Etats. Elle s'est notamment élargie dans les années 2000 vers les pays d'Europe de l'Est auparavant sous la tutelle soviétique.
Satisfecit des dirigeants, critiques hors de l'institution
Les principaux dirigeants européens se sont félicités de l'attribution du prix à l'UE. La chancelière allemande Angela Merkel y a ainsi vu un "encouragement" à ce "grand projet pacificateur".
Le président français François Hollande s'est pour sa part félicité du "grand honneur" fait à l'Europe. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, a considéré le prix comme un "message à la fois moral et politique".
Le gouvernement conservateur britannique a quant à lui réagi du bout des lèvres par un bref communiqué. Seule voix ouvertement discordante parmi les dirigeants européens, le président tchèque Vaclav Klaus, eurosceptique notoire, qui a qualifié l'attribution du prix à l'UE d'"erreur tragique" et affirmé avoir d'abord "cru à une plaisanterie".
Hors milieux officiels, la critique s'est parfois faite acerbe. Le prix Nobel de la paix polonais Lech Walesa s'est dit "surpris et déçu". "Certes, l'Union européenne tente de changer l'Europe et le monde de manière pacifique, mais elle se fait payer pour ça" a-t-il commenté.
Le co-président du groupe des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit, a estimé que ce prix était l'occasion de demander pour l'UE un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, tout en jugeant qu'il était "une injonction à l'UE pour qu'elle assume la responsabilité de la paix sociale dans les pays en crise".
Les dix derniers lauréats
2011 - La présidente du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf, sa compatriote Leymah Gbowee et la militante yéménite Tawakkul Karman "pour leur combat non-violent en faveur de la sécurité des femmes et pour le droit des femmes à participer pleinement à la recherche de la paix".
2010 - Le dissident chinois Liu Xiaobo "pour son long combat non violent en faveur des droits fondamentaux en Chine" depuis 1989.
2009 - Le président américain Barack Obama pour "ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples".
2008 - L'ancien président finlandais Martti Ahtisaari pour ses actions en faveur de la paix du Kosovo à la Namibie.
2007 - L'ancien vice-président américain Al Gore et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) pour avoir éveillé les consciences sur les risques que représentent les changements climatiques.
2006 - Le professeur d'économie bangladais Muhammad Yunnus et la Grameen Bank pour son aide aux plus pauvres grâce à la "micro-finance".
2005 - L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et son directeur général Mohamed ElBaradeï pour la lutte contre la prolifération des armes nucléaires.
2004 - La militant kényane Wangari Maathai pour sa contribution en faveur du développement durable et le plantage de dizaines de millions d'arbres.
2003 - L'avocate iranienne Shirin Ebadi pour son travail en faveur des droits de l'homme et de la promotion de la démocratie en Iran.
2002 - L'ancien président américain Jimmy Carter pour ses efforts pour la recherche de solutions pacifiques aux conflits au Moyen-Orient, en Corée du Nord, à Haïti et en Erythrée.