L'enquête sur un vaste réseau franco-suisse de blanchiment d'argent de la drogue, démantelé cette semaine, a mis au jour un système très organisé mêlant trafiquants, blanchisseurs et "cols blancs" peu scrupuleux en quête de liquidités. Lire aussi: L'affaire de blanchiment d'argent mise au jour à Genève prend de l'ampleur
A la tête de cette organisation se trouvent les trois frères, mis en examen et écroués, l'un à Paris, les deux autres en Suisse. Ces deux derniers, qui exercent dans la finance à Genève, sont séparés dans leur détention pour éviter tout contact, selon une source suisse proche du dossier.
Organisation bien huilée
Les enquêteurs disposeraient notamment de "retranscriptions de conversations téléphoniques codées", selon cette source. Ces "véritables professionnels de l'ingénierie financière" auraient amassé de très "importantes commissions", selon le parquet de Paris, grâce à la mise en place depuis plusieurs années d'un système parfaitement rodé.
Ils auraient été chargés de la partie financière des opérations tandis que leur frère basé en région parisienne serait vraisemblablement le collecteur central des sommes générées par le trafic. Ce dernier, sans profession déclarée, avait une double tâche: la collecte de l'argent de la drogue mais aussi le versement d'importantes sommes en espèces à des Parisiens, évadés fiscaux ou auteurs d'abus de biens sociaux, désireux de rapatrier en France, discrètement et en liquide, des sommes détenues sur des comptes suisses.
"Les banques ont ce qu'elles appellent des 'commis-voyageurs' qui passent la frontière avec une mallette contenant les fonds de leurs clients. C'est de la fraude fiscale", a expliqué une source judiciaire suisse. Mais ce système peut également être utilisé pour blanchir de l'argent: "Quand un client demande des fonds à sa banque à Genève, ce n'est pas son argent qu'on lui apporte, mais celui de la drogue et il ne le sait pas. Son compte est ensuite débité puis l'argent passe par des comptes intermédiaires et se retrouve à Londres, d'où il est reventilé", détaille cette même source.
Des "délinquants en col blanc"
A l'autre bout de la chaîne du trafic se trouvent donc des "délinquants en col blanc", selon l'expression du parquet, dont plusieurs figurent parmi les 17 personnes mises en examen pour blanchiment à Paris. Mais "il est certain qu'il reste d'autres personnes, avec ce profil, à interpeller", a indiqué une source policière, sans estimer leur nombre. Parmi ces "cols blancs" délinquants présumés: une élue écologiste parisienne mais aussi, d'après une source policière, des chefs d'entreprises ou des professions libérales.
Interrogé, un avocat parisien mis en examen ne veut "aucunement réagir" évoquant tout à la fois "le secret de l'instruction, le secret professionnel et la présomption d'innocence". Quand à l'élue du XIIIe arrondissement de Paris, elle aurait reçu quelque 300'000 euros en liquide par un intermédiaire "qu'elle ne connaissait pas", mais qui lui avait recommandé par un proche, avance une source proche du dossier. Elle a ensuite "placé cette somme dans son coffre à la banque", où elle a été retrouvée par les enquêteurs.
Au total, 17 personnes ont été mises en examen en France et en Suisse, dont neuf sont sous les verrous, dans cette affaire. Il s'agit d'un coup de filet anti-blanchiment majeur, une source policière faisant valoir que sur les seuls cinq derniers mois, ce réseau, actif depuis plusieurs années, a blanchi quelque 40 millions d'euros.
afp/jgal