Barack Obama n'aura pas beaucoup de temps pour savourer sa réélection: de nombreux chantiers l'attendent, et les spécialistes présagent que la plupart d'entre eux seront compliqués par la majorité républicaine à la Chambre des représentants. "Les conservateurs s'opposeront systématiquement s'ils estiment qu'ils n'ont rien à y perdre", note ainsi David Sylvan, professeur de relations internationales à l'IHEID (Genève), spécialiste de la politique américaine.
L'économie : Le dossier le plus immédiat est la réduction du déficit fédéral. Si aucun accord n'est trouvé à ce sujet, des coupes budgétaires et des hausses d'impôts seront automatiquement déclenchées au 1er janvier 2013. Pour éviter ce "mur budgétaire" ("fiscal bluff"), Barack Obama devra chercher un compromis avec le Congrès.
Le président sera par ailleurs aux prises avec une croissance molle (2% du PIB) et un taux de chômage toujours très élevé (7,9% en octobre) même s'il se trouve à son meilleur niveau depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche.
La réforme de l'immigration : Le président doit prendre à bras le corps le dossier de la régularisation controversée des millions de clandestins vivant aux Etats-Unis. Cette grande promesse de la campagne 2008 avait échoué dans la première partie de son mandat, alors que les démocrates contrôlaient encore les deux chambres du Congrès.
La majorité républicaine à la chambre basse semble encore éloigner la perspective. Mais, tempère David Sylvan, "la défaite des républicains pourrait aussi leur avoir fait comprendre l'intérêt du compromis" sur ce dossier.
La réforme du système de santé : L' "Obamacare", qui a pour objectif la couverture maladie de tous les Américains, doit entrer en vigueur en 2014. Certaines mesures sont déjà en place, d'autres aspects doivent encore être mis au point. Le Sénat, majoritairement démocrate, devrait faire barrage aux éventuelles tentatives républicaines de faire annuler la réforme.
La réforme de Wall Street : La réforme du secteur financier ("Dodd-Frank act"), sorte de pare-feu visant à éviter qu'une crise de l'ampleur de celle de 2008 ne se reproduise, a été adoptée en juillet 2010. Elle nécessite toutefois, pour être effective, la rédaction de centaines de décrets d'application. Et cela prend du temps. A l'époque, on parlait de délais allant de "trois mois à quatre ans" pour la rédaction de ces textes.
Les crises internationales : Richard Engel, spécialiste de la politique étrangère chez NBC News, juge que les questions diplomatiques épineuses ne manquent pas pour les prochaines années. "Il y a la question de la Syrie, un pays en train d'imploser et un conflit qui pourrait rapidement s'étendre à toute la région", souligne-t-il.
Barack Obama doit également mener à bien le retrait des forces américaines d'Afghanistan d'ici fin 2014, un dossier qui s'annonce compliqué tant la situation sur place reste délicate.
Le président devra par ailleurs poursuivre les négociations sur le nucléaire iranien, et résoudre le problème de la prison de Guantanamo, à Cuba.
Sur les questions de politique étrangère, il devrait avoir moins de mal à s'accorder avec le Congrès, "car il y a peu de différences fondamentales de vision entre le parti démocrate et le parti républicain", note David Sylvan.
La refonte de l'administration : Hillary Clinton et Timothy Geithner ont notamment fait savoir qu'ils envisageaient de quitter le cabinet d'Obama à l'issue de son premier mandat. Le président peut-il être déstabilisé par le remaniement de son premier cercle? Pour David Sylvan, pas vraiment, car "la marge de manoeuvre des secrétaires d'Etat est de toute façon assez étroite".
Pour le Los Angeles Times, cependant, le fait que "les soutiens de la première heure occupent d'autres fonctions" - et que "leurs successeurs ressemblent souvent à une équipe de substitution"- est l'une des raisons pour lesquelles les seconds mandats sont souvent plus difficiles que les premiers.
Second mandat, mandat à risque ?
Les seconds mandats ont rarement été sans heurts pour les présidents américains (voir galerie photo). "Un président en second mandat (...) est encore moins redouté par le Congrès qu'avant", explique l'éditorialiste du Los Angeles Times, ajoutant: "L'idéalisme qui a offert la victoire à un président la première fois cède la place au calcul, pragmatique, de ce qu'il peut accomplir lors du second mandat."
Les objectifs sont donc souvent moins ambitieux pour une deuxième présidence, a fortiori avec une Chambre des représentants "hostile". "En général, les présidents en second mandat se concentrent sur la politique étrangère car ils n'ont que peu de marge de manoeuvre en politique intérieure", rappelle David Sylvan. "Le second mandat leur sert plutôt à peaufiner leur dossier pour l'Histoire."
Pauline Turuban