Quatre cents journalistes, français et étrangers, ont été accrédités pour l'intervention de François Hollande organisée mardi soir à la salle des fêtes de l'Elysée. Le chef de l'Etat français avait promis qu'il se livrerait à un point d'étape tous les six mois au cours de sa présidence. Le dispositif choisi, la conférence de presse, est assez prestigieux et rare pour en faire un événement très attendu.
D'autant qu'il a lieu à un moment clé de ce "dixième de quinquennat". Sur le plan politique, d'abord. François Hollande a pris un "tournant" avec son "pacte de compétitivité", estime Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques à l'université Versailles Saint-Quentin (lire: Le gouvernement français annonce ses mesures pour la compétitivité).
En outre, la conférence de presse survient alors que le président frôle des records d'impopularité: tandis que les médias, y compris de gauche, s'adonnent au "Hollande bashing", un sondage de l’observatoire de l’opinion LH2-le Nouvel Observateur publié lundi le crédite de seulement 41% d'opinions favorables.
Electorat de gauche "pris à revers"
Cette chute de popularité peut s'expliquer pour partie par des éléments purement politiques. Les derniers chiffres du chômage ne sont pas bons (3 millions de demandeurs d'emploi); le gouvernement peine à apporter une réponse claire aux plans sociaux tels que ceux d'Arcelor-Mittal, Sanofi ou PSA... (Lire: Accrochages entre forces de l'ordre et manifestants à Paris)
D'une manière générale, François Hollande a pu heurter son socle électoral en répondant à l'obligation d'envoyer des signaux économiques forts. Ainsi Le Figaro évoque-t-il mardi un "électorat de gauche pris à revers par le plan compétitivité" et sa hausse de la TVA.
"Le candidat Hollande a fait toute sa campagne sur deux idées qui n'étaient pas forcément compatibles : le redressement et l’apaisement", relève pour sa part l'éditorialiste du journal Le Monde Françoise Fressoz.
Baisse du rythme de la communication
Toutefois, le politologue Laurent Bouvet attribue surtout cette cote de popularité en berne à la personnalité et au style de communication de François Hollande, peu friand de l'art du "storytelling" cher à son prédécesseur.
"François Hollande paie une baisse de rythme par rapport à Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait habitué l'opinion et la presse à une communication très fréquente. Par contraste, François Hollande paraît inactif", analyse le spécialiste.
Par ailleurs, les médias ont largement relayé une série de "couacs" et de déclarations non concertées émanant du gouvernement: celles du Premier ministre Jean-Marc Ayrault sur les 35 heures (lire Le Premier ministre français relance le débat sur les 35 heures de travail hebdomadaires), du ministre de l'Education nationale Vincent Peillon sur la dépénalisation du cannabis (lire Le gouvernement français fragilisé par une polémique sur le cannabis), ou encore la tribune spontanée de 75 députés sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.
"Toutes ces voix discordantes ont alimenté une impression globale de flou, d'amateurisme, ou au moins d'un manque de coordination au sein de la majorité", explique Laurent Bouvet.
Reprendre le contrôle
Avec cette conférence de presse, le président de la République veut donner le signal d'une reprise de contrôle. Il s'agit pour lui de "mettre fin à une 'séquence politique', et d'ouvrir un temps nouveau en termes de communication", commente le professeur de Sciences politiques, ajoutant: "Il a tout à y gagner s'il parvient à donner le sentiment qu'un cap est fixé."
Pour tirer le meilleur parti de son intervention, l'hôte de l'Elysée devra trouver les mots pour rassurer les Français et les convaincre du bien-fondé de sa politique. "Le mieux serait d'assumer totalement son action sans enrobage, en expliquant qu'il la mène pour l'intérêt général", estime Laurent Bouvet. Ce "temps nouveau" pourrait être celui de la pédagogie et de la sincérité.
Pauline Turuban
Laurent Bouvet est l'auteur du Sens du Peuple, paru aux éditions Gallimard.