L'armée égyptienne a reporté mercredi sine die une rencontre très attendue prévue entre le pouvoir et l'opposition. Cette réunion était censée contribuer à apaiser les vives tensions à l'approche d'un référendum constitutionnel auquel l'opposition appelle à voter "non".
Le président Mohamed Morsi et des personnalités politiques de tous bords étaient attendus lors de cette rencontre, alors que l'opposition avait dit qu'elle était disposée à y participer.
"Au nom de l'amour de l'Egypte"
Dans un communiqué laconique, elle dit que cette initiative, lancée la veille "au nom de l'amour de l'Egypte" par le ministre de la Défense et commandant des forces armées Abdel Fattah al-Sissi, est "reportée à une date ultérieure" car "les réactions n'ont pas rempli les attentes".
L'ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a annoncé qu'il participerait à ce "dialogue national", de même que l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et lauréat du prix Nobel de la paix, Mohamed ElBaradeï, le socialiste nassérien Hamdin Sabahy et le chef de file du parti libéral WAFD, Mounir Fakhry Abdel-Nour.
Le Front du salut national (FNS), principale coalition de l'opposition, avait boycotté des pourparlers de réconciliation organisés la semaine dernière par le chef de l'Etat.
Boycott du vote
La commission électorale a annoncé que le référendum, initialement prévu sur la seule journée du 15 décembre, aurait finalement lieu les 15 et 22 décembre dans deux zones distinctes du pays. Cette mesure pourrait permettre de surmonter le boycott de la supervision du vote par de nombreux magistrats.
Les juges pourraient se déplacer d'une région à l'autre entre les deux tours. Le Caire voterait dès samedi.
La plus importante association de magistrats du pays, le Club des juges, a indiqué que 90 % de ses adhérents entendaient boycotter la supervision du vote.
"Non" au référendum
Le FNS a, quat à lui, appelé à formellement voter "non" à cette consultation sur le projet de Constitution. Il a exigé des "garanties", dont l'organisation du vote sur un seul jour, la présence d'un juge pour chaque urne ou la présence d'observateurs nationaux et internationaux, faute de quoi il pourrait appeler à l'abstention.
Il continue aussi de réclamer un report du vote de deux à trois mois, le temps de parvenir à un "consensus" sur un projet de loi fondamentale qui, en l'état actuel, ouvre la voie à une islamisation accrue de la législation et manque de garanties pour les libertés selon l'opposition de gauche et libérale.
Le camp présidentiel assure en revanche qu'il permettra de doter le pays d'un cadre institutionnel stable après près de deux ans d'une transition politique chaotique, après la révolution qui a poussé au départ le président Hosni Moubarak.
ats/aduc
Le vote depuis l'étranger
Le vote des Egyptiens vivant à l'étranger s'est lui ouvert mercredi pour quatre jours. Près de 600'000 Egyptiens expatriés inscrits sur les listes électorales peuvent voter dans 150 représentations diplomatiques.
Ce référendum est au coeur de nombreuses manifestations parfois violentes de partisans et d'adversaires du président islamiste qui ont eu lieu ces derniers jours. Le bilan des affrontements entre partisans des deux camps il y a une semaine est monté à huit tués après le décès du journaliste El-Husseini Abou Deif, du journal indépendant "Al-Fajr", blessé le 5 décembre à la tête d'une balle en caoutchouc tirée par un inconnu.
L'armée a été appelée par le président Mohamed Morsi en renfort de la police pour assurer la sécurité jusqu'à l'annonce des résultats. Et le calme régnait mercredi aux abords du palais présidentiel.
Un copte égyptien condamné
Un copte égyptien, accusé d'avoir posté sur Internet des extraits du film islamophobe "L'Innocence des musulmans" réalisé aux Etats-Unis, a été condamné mercredi à trois ans de prison par un tribunal de la banlieue du Caire. Ce film avait provoqué une vive colère dans le monde musulman.
Le jeune homme âgé de 27 ans, a été condamné pour "dénigrement des religions", a indiqué une source judiciaire. Il était inculpé de blasphème, d'insulte à la religion et d'incitation à la sédition dans des publications sur Internet, notamment sur Facebook.
Il pourra faire appel de cette décision après s'être acquitté d'une caution de 1000 livres égyptiennes (environ 151 francs). Cette affaire suscite des craintes concernant le respect de la liberté d'expression sous la présidence de Mohamed Morsi, islamiste soutenu par les Frères musulmans. Des groupes de défense des droits de l'homme, tels qu'Amnesty International ont appelé à la libération du jeune homme.