François Hollande l'avait promis dans ses "60 engagements pour la France" durant sa campagne présidentielle: "J'ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels". Désormais élu, le président avance dans son idée puisqu'un projet de loi en ce sens a été déposé le 7 novembre et sera débattu au Parlement à partir du 29 janvier prochain. Mais que ce soit au niveau politique, religieux ou associatif, la question du mariage homosexuel a soulevé de nombreuses polémiques en France.
Leaders politiques: discours modérés
De manière générale, la gauche française est favorable au projet du président socialiste tandis que la droite s'y oppose. Mais au sein des partis, de nombreuses personnalités ne suivent pas la ligne directrice, ce qui crée certains remous.
Le socialiste Lionel Jospin a par exemple déclaré le 10 novembre 2012 que "c'est la position de mon parti, et donc je la respecte (…) Ce n'était pas la mienne au départ". A l'inverse, plusieurs personnalités de droite se prononcent en faveur du mariage homosexuel, dont les UMP Roselyne Bachelot ("Ne menez pas une campagne de retard" 13 septembre 2012), Franck Riester ("On n'enlève aucun droit, on en donne à d'autres" 10 octobre 2012) ou l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing ("C'est tout à fait en phase avec la société actuelle" 23 décembre 2012).
Absent des débats, le Front National ne se prononce pas sur le sujet. Sa présidente Marine Le Pen a estimé le 8 janvier 2013 que le gouvernement crée volontairement la polémique sur le mariage homosexuel pour "servir de diversion sur l’ensemble des autres sujets urgents auxquels il est incapable d’apporter des réponses".
Politiciens régionaux: "des gays femelles"
Si les têtes d'affiche de la politique française restent donc mesurées dans leurs propos par crainte de froisser leur électorat, plusieurs politiciens de second plan n'hésitent en revanche pas à exprimer concrètement le fond de leur pensée. Le maire de Sète, François Commeinhes, gynécologue de profession, a créé la polémique le 18 octobre 2012 en déclarant: "Même si j'ai beaucoup d'amis gay et que j'ai accouché de gays femelles, je ne vois pas ce que [le mariage] apporte sinon une couverture sociale."
Dans le même style choc, la présidente du Parti chrétien-démocrate, Christine Boutin, soutenant le maire UMP du VIIIe arrondissement de Paris, François Lebel, a elle aussi comparé le mariage homosexuel à la polygamie.
Eglise catholique: "polygamie et inceste"
L'Eglise catholique n'hésite pas à se montrer virulente pour manifester son opposition au mariage homosexuel. Ainsi, en septembre 2012, monseigneur Barbarin, archevêque de Lyon, crée la polémique en déclarant lui aussi que l'acceptation du mariage entre personnes du même sexe ouvrirait la voie à la polygamie et à l'inceste.
Un curé d'une paroisse alsacienne, le père René-Philippe Rakoto, a été encore plus loin, dans un bulletin paroissial daté de l'automne 2012 et repris par Rue 89, en n'hésitant pas à comparer la société française laïcisée à l'Allemagne nazie. Si le mariage homosexuel est accepté, l'auteur se demande ainsi si "le meurtre sera-t-il dépénalisé? L'inceste sera-t-il promu? La polygamie sera-t-elle possible?"
Associations religieuses: "un handicap lourd"
Une nouvelle polémique liée à la religion est née le 11 janvier 2013 par l'intermédiaire d'un message de l'Office chrétien des personnes handicapées qui estime que le slogan "Mariage pour tous" utilisé pour défendre le mariage entre personnes du même sexe est usurpé car "certaines personnes porteuses d'un handicap psychique lourd savent qu'elles ne pourront pas se marier". Il n'en fallait pas plus aux défenseurs du mariage gay pour dénoncer le parallèle entre homosexualité et handicap lourd.
Auparavant, lors de son discours à la curie romaine le 21 décembre 2012, le pape Benoît XVI a évoqué lui aussi le mariage gay, expliquant que "Il devient clair maintenant qu'ici est en jeu la vision de l'être même, de ce que signifie en réalité le fait d'être une personne humaine."
Quant au mouvement intégriste catholique Civitas, son président Alain Escada a estimé le 18 novembre 2012 durant une manifestation que, "en permettant le mariage homosexuel, on ouvre la boîte à Pandore (sic)".
Associations opposées: "risque de zoophilie"
Qu'elles soient pour ou contre, les associations françaises ont compris que l'union fait la force. Ainsi, une trentaine d'associations anti-mariage gay comme Familles de France ou Alliance Vita se sont réunies sous un collectif dirigé par Frigide Barjot, une humoriste catholique. Au-delà de la grande manifestation du 13 janvier, le collectif se montre très actif sur internet.
L'Union des organisations islamiques de France a pour sa part créé un scandale en publiant le 13 novembre 2012 un texte sur son site internet s'interrogeant "Qui pourra délégitimer la zoophilie, la polyandrie, au nom du sacro-saint amour?"
Associations favorables: "pour les droits humains"
Enfin, du côté des pro-mariage gay, en plus des associations LGBT (pour lesbiennes, gay, bisexuels et transgenre), les défenseurs des droits humains comme Amnesty International, SOS Racisme ou la Ligue des droits de l'homme se sont aussi prononcées en faveur du projet de loi.
Victorien Kissling
Le projet de loi en bref
Le projet de loi:
- ne modifie pas le régime actuel du mariage, il rend simplement sa célébration possible entre deux personnes de même sexe résidant en France.
- modifie pour ces personnes le régime des noms de famille.
- ouvre par conséquent l'adoption, que ce soit l'adoption conjointe d'un enfant par les deux époux de même sexe ou l'adoption de l'enfant du conjoint de même sexe.
- reconnaît les mariages entre deux personnes du même sexe à l'étranger.
- prévoit des adaptations aux codes quand cela est nécessaire, les mots "père et mère" sont remplacés par le mot "parent" et les mots "mari et femme" par le mot "époux" (ces modifications ne concernent pas les actes d'état civil et le livret de famille, dont la forme n'est pas régie par la loi).
Extraits de vidéos polémiques
Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate:
Monseigneur Barbarin, archevêque de Lyon: