Des commandos français ont échoué à libérer un otage samedi en Somalie après s'être heurtés à la résistance de combattants islamistes shebab. Ceux-ci ont été alertés in extremis par la population locale du raid, au cours duquel huit civils ont été tués, ont rapporté dimanche des témoins.
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a reconnu samedi que la résistance avait été "plus forte que prévu" pour les soldats, débarqués dans le sud somalien pour libérer un des leurs, un agent de la DGSE (services secrets et de renseignement), détenu depuis plus de trois ans par des insurgés islamistes.
Sort de l'otage incertain
Le sort de cet otage, présenté comme Denis Allex - sans doute un pseudonyme - demeurait incertain dimanche. Jean-Yves Le Drian a estimé la veille que "tout donnait à penser qu'il avait été abattu par ses geôliers" lors du raid.
De leur côté, les islamistes shebab affirment que leur otage est toujours vivant et détenu loin du lieu de l'attaque française, mais ils n'en avaient toujours pas apporté la preuve dimanche à la mi-journée. Ils ont ajouté que le militaire français serait jugé d'ici lundi soir.
Pertes françaises imprécises
Une certaine imprécision demeure également sur l'ampleur des pertes françaises. Le président français François Hollande a salué samedi soir "le sacrifice de deux soldats", alors que Jean-Yves Le Drian avait auparavant fait état d'un soldat tué et d'un autre "porté disparu". Les shebab assurent détenir un soldat français blessé, là non plus sans en avoir encore apporté la preuve.
Le gouvernement français a en outre fait état de la mort de 17 "terroristes", au cours d'un combat qualifié de "très violent" dimanche par le ministre de la Défense.
Morts de civils à éclaircir
La population locale, pour sa part, pleurait dimanche la mort de huit victimes civiles, selon plusieurs témoins. Quatre de ces civils ont été tués lors de la progression au sol des soldats vers Bulomarer, dans des circonstances qui restent à éclaircir: un couple, leur fils et un autre homme, a priori des éleveurs locaux selon les habitants du secteur.
Quatre autres civils ont été tués par des balles perdues dans les combats à Bulomarer, dont une femme, son enfant et le gardien d'un marché.
Plusieurs habitants exprimaient leur colère. "Ils ont tué des civils innocents et ils sont repartis sans avoir rien obtenu. Les gens ici sont très déçus du gouvernement français en raison de ces victimes civiles", a déclaré un autre habitant de Bulomarer.
ats/vkiss
Opération décidée en décembre
Des négociations entre la France et les islamistes somaliens ont précédé le raid, a confirmé M. Le Drian. Mais "les shebab nous demandaient la libération de je ne sais combien de prisonniers jihadistes dans le monde. C'était strictement impossible et totalement illusoire", a-t-il expliqué.
L'opération a été décidée en décembre et "a été déclenchée lorsque l'on a su avec un maximum de certitude où se trouvait très précisément l'otage", a poursuivi le ministre.
Les islamistes alertés
Au moins cinq hélicoptères ont débarqué au milieu de la nuit de vendredi à samedi une cinquantaine de soldats du service action (SA) de la DGSE à 3 kilomètres de Bulomarer, localité sous contrôle islamiste où était censé se trouver l'otage, au sud de Mogadiscio, selon une source dans les milieux du renseignement français.
"Des gens ont vu (les commandos français) débarquer dans des champs, les shebab ont été informés que des hélicoptères avaient atterri et qu'ils avaient débarqué des soldats, et ainsi ils (les islamistes) ont pu se préparer", a déclaré un habitant de Bulomarer.
"Les combattants moudjahidine étaient déjà au courant de l'attaque et nous étions prêts à nous défendre, grâce à Dieu", a confirmé un commandant local islamiste. Des combats acharnés ont duré environ 45 minutes, selon les shebab, avant le retrait des soldats français.