Publié

L'ex-otage Rachid Hamdani traîné devant la justice par un avocat libyen

Trois ans après sa libération, Rachid Hamdani doit encore affronter une triviale affaire pécuniaire
Trois ans après sa libération, Rachid Hamdani doit encore affronter une affaire pécuniaire / 19h30 / 2 min. / le 29 janvier 2013
Saleh Zahaf, l'avocat libyen des otages suisses pendant la crise entre Berne et Tripoli, réclame 140'000 dollars à l'un d'eux, Rachid Hamdani, a appris la RTS mardi. Le juge de Paix du district de Nyon (VD) se prononcera sur ces prétentions jeudi.

En septembre dernier, Rachid Hamdani a reçu un commandement de payer d'un montant de 132'058 francs (140'000 dollars au taux de change en vigueur à cette date) de la part de l'avocat libyen qui le représentait lorsqu'il était otage à Tripoli. Il a immédiatement fait opposition. Le juge de Paix du district de Nyon se prononcera jeudi sur la requête de mainlevée (invalidation de l'opposition) déposée par l'avocat libyen Saleh Zahaf.

"Menaces"

"Pendant deux ans, j'ai représenté Max Göldi et Rachid Hamdani contre le régime libyen, a déclaré à la RTS Saleh Zahaf. Ce furent les deux années les plus dures de ma vie. En Libye, j'ai reçu des menaces parce que je défendais des Suisses. L'entreprise ABB m'a versé l'argent qu'elle me devait. Mais Rachid Hamdani ne m'a rien payé." Max Göldi était l’employé de la société suisse ABB. Rachid Hamdani était un entrepreneur indépendant, associé du suisse Miguel Stucky.

Contacté, Rachid Hamdani s'est montré touché et accablé par cette procédure. Elle ravive les cicatrices laissées par ses 19 mois de détentions en Libye qui ont suivi l'arrestation d'Hannibal Kadhafi à Genève. Rachid Hamdani a choisi de laisser son avocat s'exprimer en son nom. Ce dernier, Me Nicola Meier, dénonce: "Cette procédure n'est pas fondée et elle est totalement immorale compte tenu de ce que mon client a vécu en Libye."

Documents à l'appui

A l'appui de ses prétentions, l'avocat libyen présente divers documents que la RTS a pu se procurer. D'abord trois factures pour un montant total de 140'000 dollars pour des activités de l'avocat entre l'été 2008 (Hamdani et Göldi ont été arrêtés le 19 juillet) et le 31 décembre 2009. Ces trois factures sont signées de la même date: le 23 janvier 2010, soit un mois avant la libération de l'otage suisse.

Juin 2010, Micheline Calmy-Rey accueille Max Göldi, otage pendant près de 2 ans en Libye avec Rachid Hamdani. Le Conseil fédéral, la Genevoise et Hans-Rudolf Merz en tête, ont été souvent critiqués durant toute la durée de la crise avec la Libye. [KEYSTONE - Steffen Schmidt]
Juin 2010, Micheline Calmy-Rey accueille Max Göldi, otage pendant près de 2 ans en Libye avec Rachid Hamdani. Le Conseil fédéral, la Genevoise et Hans-Rudolf Merz en tête, ont été souvent critiqués durant toute la durée de la crise avec la Libye. [KEYSTONE - Steffen Schmidt]

Autre document, une procuration (power of attorney) par laquelle Rachid Hamdani donnait mandat à l'avocat libyen de le représenter. Ce document est signé du 18 novembre 2009. Et enfin, un document intitulé "undertaking " et signé le 28 janvier 2010 par Rachid Hamdani où ce dernier s'engage "à payer les montants des factures susmentionnées pour les services juridiques" rendus par Saleh Zahaf. Ce paiement n'a jamais eu lieu, ce qui a provoqué la mise aux poursuites intentée par Saleh Zahaf.

"Pas le choix"

"Rachid Hamdani a été contrait de signer ce document, explique Me Meier. Il n'avait pas le choix. L'ambassade suisse où il était réfugié était entourée d'hommes armés. Saleh Zahaf lui a dit: ils vont mener l'assaut, soit tu signes, soit tu finiras tes jours dans une prison libyenne."

Nicola Meier conteste le rôle de l'avocat libyen dans la libération de Rachid Hamdani : "ses actes ne sont pas à la mesure du montant totalement exagéré qu'il réclame. C'est avant tout la  Confédération qui a sorti mon client de Libye." Une  Confédération à laquelle Rachid Hamdani n'a pas réclamé un centime. "Par pudeur mon client n’ose rien demander, explique son avocat Nicola Meier. Rachid Hamdani est très reconnaissant de ce que les autorités suisses ont fait pour lui durant sa captivité. Mais pour ma part, je n'exclus pas un jour de faire appel à l'aide de Berne."

Jeudi, le Juge de paix se prononcera sur l'existence d'une reconnaissance de dette et non sur le fond. "Nous aurons ensuite dix jours pour faire opposition et intenter une action en libération de dette", conclu l"avocat Nicola Meier. C"est au cours de cette nouvelle procédure que Rachid Hamdani fera valoir ses arguments sur le fond.

Anne-Frédérique Widmann

Publié

Otages pendant près de 2 ans

15 juillet 2008: Hannibal Kadhafi et sa femme Aline, enceinte de neuf mois, sont arrêtés à l'hôtel Wilson à Genève. Ils sont soupçonnés d'avoir maltraité leurs deux domestiques.

17 juillet: après avoir passé deux nuits en détention préventive, le couple est inculpé de lésions corporelles simples, menaces et contraintes envers les deux domestiques, une Tunisienne et un Marocain. Le couple est remis en liberté contre une caution de 500'000 francs et regagne la Libye.

19 juillet: Rachid Hamdani et Max Göldi sont arrêtés en Libye. ABB et d'autres entreprises suisses présentes en Libye doivent fermer leurs bureaux.

29 juillet: les deux Suisses inculpés en Libye sont libérés sous caution mais ne peuvent quitter le pays.

25 septembre 2009: les otages sont à nouveau placés en détention.

9 novembre: retour à l'ambassade de Suisse à Tripoli.

11 février 2010: Max Göldi est condamné à 4 mois de prison pour violation des règles sur les visas.

22 février: blanchi de l'accusation d'activités économiques illégales, Rachid Hamdani est libre de retourner en Suisse, où il arrivera le lendemain.

10 juin: libération de Max Göldi.

13 juin: le deuxième otage est de retour en Suisse.