Jugé pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'Humanité, l'ex-ministre des Affaires étrangères des Khmers rouges Ieng Sary avait été hospitalisé il y a dix jours. Le porte-parole de la cour Lars Olsen a annoncé son décès jeudi matin, à l'âge de 87 ans.
Ieng Sary disparaît ainsi sans s'être expliqué sur son rôle dans l'appareil marxiste totalitaire qui a détruit un quart de la population du Cambodge en moins de quatre ans (1975-79), plongeant la société dans la terreur. Le porte-parole de la cour a jugé "regrettable" que la justice n'ait pu s'exprimer sur son cas, mais souligné que son décès n'aurait pas d'impact sur le procès des deux autres accusés (voir encadré).
L'âge des accusés met la justice sous pression
Les craintes étaient vives depuis longtemps que certains des accusés ne meurent avant de répondre de leurs actes. Et c'est sous cette pression macabre que le tribunal avait décidé de découper le procès, pour espérer obtenir plus vite un premier verdict, même incomplet. Mais Ieng Sary aura malgré tout échappé à un verdict.
"Maintenant nous perdons des preuves. Je suis frustré qu'il n'ait pas reconnu sa culpabilité", a déclaré Chum Mey, l'un des rares survivants de la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh. "Son décès (...) porte bien peu de signification pour les victimes du régime qui attendant patiemment que justice soit faite", a relevé de son côté Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge.
Ieng Sary devrait être incinéré dans les jours à venir à Malai, près de la frontière thaïlandaise, au coeur du bastion des Khmers rouges.
afp/ptur
Plus que deux accusés devant le tribunal international de Phnom Penh
Après le décès de Ieng Sary, il ne reste que deux accusés parmi les quatre plus hauts dirigeants du régime khmer rouge poursuivis pour leur responsabilité dans la mort de 2 millions de personnes:
- Nuon Chea, 86 ans. Arrogant, provocateur, le "frère numéro deux" affirme n'avoir joué aucun rôle dans les atrocités. Il était pourtant l'idéologue du parti et l'adjoint direct du "frère numéro un", Pol Pot, et a justifié les massacres dans un documentaire.
Selon des chercheurs, il est l'un des principaux architectes de la machine à tuer du régime.
- Khieu Samphan, 81 ans, ancien chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique". Il est l'un des rares à avoir eu des contacts avec l'étranger. Avant son arrestation en novembre 2007, il vivait librement dans la région de Païlin (nord-ouest du Cambodge).
Formé en France, il soutient n'avoir joué aucun rôle dans les atrocités.
Un seul responsable déjà jugé
Kaing Guek Eav, alias "Douch", ancien chef de la prison de Tuol Sleng où quelque 15'000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.
Condamné en juillet 2010 à 30 ans de prison, puis en appel en juillet 2012 à la perpétuité. Son dossier est l'unique satisfaction du tribunal parrainé par l'ONU.
Ceux qui ont échappé à la justice
- Le couple Sary: Ieng Sary, mort avant le verdict, et son épouse Ieng Thirith, 81 ans, ex-ministre des Affaires sociales. Issue de la haute société cambodgienne, elle avait étudié la littérature à Paris, où elle avait rencontré son époux dans les cercles marxisants anticolonialistes.
En 2009, elle avait promis à ses juges le "septième cercle de l'enfer". Déclarée folle, donc inapte à être jugée, elle a été libérée sous certaines conditions.
- Pol Pot, "Frère Numéro Un", l'initiateur du régime. Il est mort en 1998 à l'âge de 73 ans, sans jamais être inquiété.
- Ta Mok, commandant redouté de la zone sud-ouest du Cambodge, surnommé "Le Boucher", est décédé en 2006 à l'âge de 80 ans. Arrêté en 1999, il devait être jugé.