Depuis le 15 mars 2011, la révolte contre le régime de Bachar al-Assad en Syrie s'est muée en un conflit ouvert entre le régime et des groupes rebelles hétéroclites. Si les régimes de Ben Ali en Tunisie, de Hosni Moubarak en Egypte, de Mouammar Kadhafi en Libye et d'Ali Saleh au Yémen ont chuté, le conflit en Syrie semble ne pas avoir de fin.
Pourquoi un tel enlisement?
Le président Bachar al-Assad est solidement accroché à son pouvoir, tandis que la rébellion pose comme conditions à des négociations son départ. La montée de groupes djihadistes et les tensions frontalières avec les voisins (Turquie, Liban, Irak) n'arrangent rien, de même que la division entre les puissances internationales. Si les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, soutiennent l'opposition, la Russie et la Chine ont bloqué par trois fois une résolution onusienne menaçant le régime de sévères sanctions. Même la mission de l'émissaire de l'ONU Lakhdar Brahimi semble s'enliser.
Quelle est l'avancée des rebelles?
La situation sur le terrain est difficile à établir car les victoires décisives sont rares. Globalement, les rebelles et les djihadistes ont progressé à l'est (Deir Ezzor, Hassaké), dans le nord (Raqa) et à l'ouest (Idleb), mais ils n'arrivent pas à contrôler totalement Alep (nord-ouest). Le régime contrôle la majorité de la région de Hama et garde la main-mise sur la capitale Damas. La périphérie de Damas et dans la ville de Homs font l'objet de violents combats. Dans le sud, aucune domination ne se dessine, notamment à Deraa.
Quel soutien armé des autres Etats?
Alors que le régime Assad bénéficierait principalement d'un soutien armé de la Russie et de l'Iran, les rebelles recevraient eux des armes de la Jordanie. Washington a annoncé fin février des aides non létales. Paris et Londres ont annoncé vouloir envoyer des armes, si l'Union européenne ne prend pas de mesures. La discussion aura lieu cette semaine prochaine.
Quel quotidien pour les civils?
En plus d'exactions (le Comité international de la Croix-Rouge accuse tant le gouvernement que les rebelles de violer les Conventions de Genève), les civils doivent supporter des pénuries. Les boulangeries se font rares et les prix ont explosé: +140% pour la farine, +60% pour l'essence, de 4 à 35 dollars pour la bonbonne de gaz. L'électricité est souvent coupée toute la journée, notamment à Damas. Au niveau de l'économie nationale, le PIB s'est effondré, le chômage a grimpé, le déficit des comptes courants ne cesse de croître, le quart des PME ont fermé et les productions agricole et pétrolière ont chuté.
Où vont les réfugiés?
Le nombre de réfugiés a dépassé le cap du million au début du mois de mars, selon le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies. Si l'on tient compte des estimations des gouvernements, ce chiffre monte à deux millions. La majorité d'entre eux fuient au Liban (1 million), d'autres préfèrent la Jordanie et la Turquie (400'000 chacun). Certains vont en Irak (114'000). Quelques-uns atteignent l'Egypte (100'000).
Quel futur?
Une internationalisation du conflit est maintenant à l'ordre du jour, après les menaces de Damas de frapper le Liban, si celui-ci n'empêche pas ses militants anti-Assad de faciliter l'infiltration de rebelles en Syrie.
bri avec les agences
Les événements marquants
--2011--
15-16 mars: A Damas, rassemblements sous le slogan pour "une Syrie sans tyrannie". Plusieurs manifestations sont violemment réprimées à Damas et Deraa. Le régime dénonce une "rébellion armée de groupes salafistes".
21 avril: Levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. Des dizaines de morts dès le lendemain
25 avril: Début du siège de Deraa
Début mai: Début du siège de Homs
30 juillet: Le colonel Riad al-Assaad, déserteur réfugié en Turquie, annonce la création de l'Armée syrienne libre (ASL) pour combattre le régime.
31 juillet: Vaste offensive de l'armée à Hama, faisant une centaine de morts
18 août: Barack Obama et ses alliés occidentaux appellent Assad à partir, lançant une série de sanctions contre le régime et ses présumés alliés: les Gardiens de la révolution iraniens.
2 octobre: Création du Conseil national syrien (CNS)
5 octobre: 1e veto russo-chinois à l'ONU à une résolution menaçant le régime de sanctions.
--2012--
4 février: Des bombardements à Homs par l'armée font 230 morts. 2e veto russo-chinois à l'ONU
23 février: Kofi Annan nommé émissaire de l'Organisation des Nations unies et la Ligue arabe. Il démissionnera 5 mois plus tard
1er mars: L'armée prend le contrôle de Baba Amr, bastion rebelle à Homs
25 mai: Massacre de Houla faisant au moins 108 morts, principalement des femmes et des enfants
16 juin: Les observateurs de l'ONU suspendent leurs opérations, le plan de paix de Kofi Annan étant ignoré
12 juillet: Massacre de Treimsa, qui aurait fait plus de 150 morts
17 juillet: Les rebelles lancent la bataille de la "libération" de Damas. L'armée entame d'incessants bombardements à la périphérie de la capitale
18 juillet: Le beau-frère d'Assad est tué avec trois hauts responsables de l'appareil de Sécurité dans un attentat à Damas
19 juillet: 3e veto russo-chinois à l'ONU
28 juillet: L'armée lance l'assaut sur Alep
11 nov: Création de Coalition nationale de l'opposition, incluant le CNS et présidée par Mouaz al-Khatib.
--2013--
15 janvier: Un attentat à l'Université d'Alep fait 87 morts et un assaut à Homs fait 106 morts
26 janvier: L'Otan annonce que ses premiers missiles Patriot à la frontière syro-turque sont opérationnels
3 février: Israël confirme implicitement avoir mené fin janvier un raid contre un complexe militaire près de Damas
22 février: Au moins 83 morts dans un attentat à Damas. Une série d'attentats ces derniers mois ont été revendiqués par le Front jihadiste Al-Nosra
25 février: Pour le première fois, le régime est prêt au dialogue avec les rebelles armés
28 février: Washington annonce des aides directes non létales à la rébellion
6 mars: 21 observateurs philippins de l'ONU capturéssur le Golan par des rebelles
6 mars: Les rebelles s'emparent pour la première fois d'une ville entièrement: Raqa.
La Syrie en bref
SUPERFICIE: 185'000 km2
POPULATION: 20,82 millions d'habitants. Les arabes sont majoritaires, les Kurdes et les Arméniens minoritaires.
RELIGIONS: 95% de musulmans (la majorité est sunnite, mais le clan Assad est alaouite) et 5% de chrétiens
HISTOIRE: A l'effondrement de l'Empire ottoman, la Syrie est placée sous mandat français en 1920 et obtient son indépendance le 17 avril 1946. En 1963, le parti Baas prend le pouvoir à un putsch. Bachar al-Assad est élu président en 2000, puis réélu en 2007.