Le décès de la "Dame de fer" fait lundi la Une de tous les sites d'information britanniques, qui lui consacrent de longues nécrologies et analyses. Les médias reconnaissent unanimement à Margaret Thatcher une opiniâtreté qui a révolutionné la politique au Royaume-Uni et a replacé le pays sur le devant de la scène internationale.
Le Guardian n'hésite ainsi pas à parler de "phénomène politique": "elle fut la première femme élue à la tête d'une grande puissance occidentale; le Premier ministre au mandat le plus long depuis 150 ans; la figure la plus influente et controversée de la politique britannique durant la seconde partie du XXe siècle", écrit le quotidien de centre-gauche.
Le Daily Telegraph reprend également le terme de "phénomène", qualifiant la "Baronne Thatcher" de "dirigeante remarquable". Le journal conservateur retient de l'ère Thatcher "une décennie de maîtrise politique quasiment incontestée" et "des mesures mises en place avec une énergie féroce (...) ayant abouti à une transformation de la performance économique britannique".
Pour The Times, "ce Premier ministre indomptable à la foi indéfectible en la libre entreprise a transformé le paysage politique et social".
Un bourreau de travail reconnu à l'étranger
Dans son éditorial de lundi, The Independent salue la Margaret Thatcher "bourreau de travail": "Ses méthodes de travail acharnées étaient visibles dès le début. Il était davantage dans sa nature de résoudre les problèmes que de spéculer et théoriser", raconte un journaliste du quotidien de centre-gauche qui a côtoyé l'ex-Premier ministre.
Le Guardian estime qu'au-delà de l'empreinte laissée au Royaume-Uni, Margaret Thatcher était une "figure globale, une star aux Etats-Unis, une héroïne dans les anciennes républiques soviétiques, une référence pour les politiciens français, allemands, italiens et espagnols".
Pour le Daily Telegraph, elle était considérée "aux Etats-Unis et en Europe de l'Est comme l'un des architectes de la victoire occidentale dans la Guerre froide".
"Elle a redonné au Royaume-Uni le respect du monde", juge même le Daily Mail, qui salue "la détermination avec laquelle [Margaret Thatcher] a mené la guerre aux Malouines durant le printemps 1982".
Un héritage vivace
"Peu de Premiers ministres subsistent dans l'esprit des gens longtemps après avoir quitté leurs fonctions", relève The Independent. "Margaret Thatcher en fait partie. Elle est même devenue un personnage de pièces de théâtre et de films", rappelle le journal.
Le quotidien souligne qu'encore plus rares sont les chefs de gouvernement ayant donné leur nom à une idéologie politique: "A ce jour, le ‘Thatcherisme’ est utilisé dans le monde entier pour qualifier une approche débrouillarde, brutale et dénuée de sentiments", analyse The Independent.
Pour le Daily Telegraph, elle est "le seul Premier ministre britannique à avoir laissé derrière elle un ensemble d'idées sur le rôle de l'Etat que les autres dirigeants tentent d'appliquer".
"Elle était à la fois le démon et l'inspiration, la diva qui dictait l'interprétation du rôle, celle dont la perception de l'économie, de la société et de la place de la Grande-Bretagne dans le monde continue à façonner la politique britannique", résume Le Guardian.
Une figure qui divise
S'il salue l'héritage économique de Margaret Thatcher, le Daily Telegraph concède toutefois que "les effets du phénomène Thatcher sur la société britannique ont été plus discutables": "à tort ou à raison, les années 1980 peuvent être considérées comme une période de fracture sociale dont nous percevons encore les conséquences aujourd'hui".
"Après les années Thatcher, les idéaux d'effort collectif, de plein emploi et d'économie planifiée ont été discrédités dans l'imaginaire populaire", estime Le Guardian, qui ajoute qu'ils "ont été remplacés par la politique du 'Moi' et du 'Mien', la dérégulation des marchés et la privatisation des biens de l'Etat."
"La rigueur qu'elle a imposé à l'économie britannique a eu à la fois pour conséquence de faire grimper à 3 millions le nombre de chômeurs mais aussi, pour la première fois depuis des décennies, de valoriser le travail par des salaires plus élevés", rappelle le Daily Mail.
Le Financial Times résume les contradictions qui étaient la marque de la "Iron Lady": "les contreparties de son courage, de sa droiture et de sa radicalité étaient l'arrogance, l'obstination et une distance qui se sont accrues au fil de ses mandats", estime le quotidien économique.
La "Dame de fer" était à la fois "une héroïne pour beaucoup et une figure honnie pour d'autres": avec elle, l'indifférence n'était pas une option" conclut The Independent.
Pauline Turuban