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Dans l'affaire Cahuzac, le banquier X mène les enquêteurs sur d'autres pistes

Les juges chargés de l'enquête Cahuzac veulent étendre leurs investigations à d'autres fraudeurs du fisc
Les juges chargés de l'enquête Cahuzac veulent étendre leurs investigations à d'autres fraudeurs du fisc / 19h30 / 1 min. / le 26 avril 2013
L'enquête autour de l'affaire Cahuzac s'accélère. La justice française s’intéresse à de nouveaux fraudeurs du fisc potentiels. Selon la RTS, le témoin clé dans cette affaire est Pierre Condamin-Gerbier, ancien banquier et proche de l'UMP.

La RTS a appris que l’audition d’un témoin clé domicilié dans le canton de Vaud, Pierre Condamin-Gerbier, jeudi 18 avril à Paris, avait joué un rôle déterminant dans la volonté du juge parisien d’élargir son enquête dans l'affaire Cahuzac.

Renaud Van Ruymbeke, le juge du pôle financier parisien, a ainsi demandé au parquet à pouvoir enquêter  sur d’autres possible fraudeurs français du fisc qui, comme l’ancien ministre du Budget, auraient été clients de Reyl & Cie. 

Ces dernières semaines, le gestionnaire de fortune de 42 ans, ancien associé-gérant de la maison Reyl, avait distillé au compte-goutte des informations auprès de journalistes, apparaissant tantôt masqué, tantôt à visage découvert à la télévision et dans les journaux.

Les propos de Pierre Condamin-Gerbier intéressent fortement la justice française qui, selon Le Monde, souhaite élargir son enquête.

Entendu à trois reprises

Selon nos informations, Pierre Condamin-Gerbier a été entendu à trois reprises: le 13 février et le 28 mars par des inspecteurs de la police judiciaire française qui s’étaient déplacés à Annecy, et le 18 avril à Paris par le juge Renaud Van Ruymbeke et les douanes judiciaires françaises.

Contacté par la RTS, il affirme, lors de cette dernière audition, n’avoir donné  "aucun nom" de possibles VIP français ayant eu des comptes non déclarés chez Reyl & Cie, gestionnaire de fortune devenu une banque en novembre 2010.  Il explique avoir réclamé "une attestation écrite de la part du ministère public genevois me signifiant que je ne serais pas poursuivi pénalement si j’allais plus loin". De source genevoise, on assure que ce type d’attestation ne peut pas être délivrée.

Pierre Condamin-Gerbier n’est, en principe, pas concerné par l’article 47 de la loi sur les banques qui expose seulement les banquiers à des poursuites pénales en cas de violation du secret bancaire. Son statut de gestionnaire de fortune le protégeant.

Il est ainsi devenu le cauchemar de ses anciens employeurs, Dominique et son fils François Reyl qui affrontent aujourd'hui la tempête.  

Proche de l'UMP

En 2006, Pierre Condamin-Gerbier, par ailleurs responsable de la délégation de l’UMP en Suisse, se voit proposer un poste en or. Il prend la tête du "Private Office" de Reyl en qualité de gérant associé. Il a derrière lui une expérience en matière de "family office" dans différents autres établissements. Le département de "private office" de Reyl offre toute un gamme de services aux grosses fortunes: conseil juridique et fiscal, analyse patrimoniale, ouverture de sociétés offshore, gestion de parc automobile et de biens immobiliers.

Mais fin 2009, le financier est sommé de prendre la porte, son départ prenant effet en juillet 2010. Sur les raisons de cette rupture,  les versions divergent. Pierre Condamin-Gerbier évoque un conflit d’intérêt. Il explique que dans la perspective de l’obtention d’une licence bancaire en novembre 2010, la direction de Reyl & Cie a fait pression sur lui pour que les clients du "private office" transfèrent leurs comptes dans la nouvelle banque.

Des créances ouvertes

Contactée, la banque Reyl a refusé de s’exprimer. Mais, selon nos informations, des proches de la banque font état d'informations questionnant la crédibilité de Pierre Condamin-Gerbier, un témoin bien embarrassant. L’ancien associé gérant aurait des dettes et il aurait été condamné pour avoir mélangé sa carte de crédit personnelle et celle de l’entreprise, chez un précédent employeur, ce qui lui aurait valu une condamnation.

Il aurait aussi des créances ouvertes de quelques centaines de francs, dont certaines ont fait objet d'arrangements. Interrogé sur ce point, il reconnaît les faits, affirmant que tout a été réglé: son casier judiciaire étant désormais vierge. "Tout le monde peut faire des erreurs", plaide-t-il. "Reyl a découvert que j’avais des problèmes en 2008, pourquoi ensuite m’avoir gardé si longtemps après?", interroge-t-il.

Quelles motivations le poussent aujourd'hui à parler? Depuis qu’il a quitté Reyl, en emportant au passage quelques prestigieux clients, Pierre Condamin-Gerbier se dit "allergique aux discours hypocrites" de certains banquiers, qui se présentent dans les médias comme étant à la tête d'établissements plus "blancs que blancs".

L’affaire Cahuzac serait l’étincelle qui l’a décidé à parler: "Je ne supporte plus cette tartufferie, répète-t-il. Il est temps de faire table rase du passé, de reconnaître ses torts".

Agathe Duparc et Yves Steiner

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Départ de l'UMP

Pierre Condamin-Gerbier n’en est pas à son premier coup de pied dans la fourmilière.

Déjà en 2007, alors qu’il était responsable de la délégation de l’UMP en Suisse, il avait critiqué Eric Woerth, alors trésorier de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, venu à Genève pour récolter des fonds auprès de riches exilés français.

Une fois élu, le président Nicolas Sarkozy était parti en guerre contre les paradis fiscaux et contre la Suisse. A l’été 2009, Eric Woerth, son ministre du budget, brandissait un CD contenant les noms de 3000 titulaires français de comptes à la filiale genevoise de la banque HSBC. Il promettait aux fraudeurs les pires châtiments.

Ecoeuré, par ce retournement, Pierre Condamin-Gerbier claquait la porte de l’UMP et rejoignait le parti de l'Alternative libérale, se faisant alors de nombreux ennemis.