Les élections législatives au Pakistan sur fond de menaces et de tension
Le Pakistan, instable géant musulman d'Asie du Sud, élit samedi ses députés et son prochain gouvernement lors d'un scrutin historique. Il marque la première vraie transition démocratique du pays, tandis que les talibans conseillent aux électeurs de ne pas aller voter pour rester en vie.
Les 86 millions de Pakistanais choisissent samedi 342 députés de l'Assemblée nationale parmi 4670 candidats, et leurs représentants dans les quatre assemblées provinciales parmi près de 11'000 autres candidats.
Les bureaux de vote sont ouverts de 8h à 17h locales. La commission électorale dévoilera les premiers résultats samedi dans la soirée.
Les principaux candidats
Favori dans la course, l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif (ligue musulmane du centre-droit) est un magnat de l'acier. Il devrait, selon de nombreux observateurs accéder pour la troisième fois au poste de Premier ministre, un record, après les périodes 1990-1993, jusqu'à ce qu'il tombe pour corruption, et 1997-1999, où il fut déposé par un coup d'Etat militaire.
L'outsider et ex-star du cricket Imran Khan est l'étoile montante de la politique au Pakistan. Il n'a été élu qu'une fois en 2002 et a mené campagne tambour battant. Il a galvanisé la classe moyenne et les jeunes lassés des partis traditionnels. Il se trouve depuis mardi à l'hôpital, blessé à la tête et au dos après une chute de plusieurs mètres lors d'une rencontre de campagne à Lahore. Cet accident a soulevé une vague de sympathie dans le pays.
La campagne du parti au pouvoir sortant, le Parti du peuple pakistanais (PPP), a pris des allures de calvaire, plombée par les menaces des talibans, son mauvais bilan sécuritaire et économique depuis 5 ans et l'absence de chef. Fils de Benazir Bhutto, charismatique ancienne Première ministre assassinée en 2007, Bilawal Bhutto, 24 ans, est trop jeune pour se présenter et trop menacé pour tenir des meetings publics. Et l'impopulaire président Asif Ali Zardari, veuf de Benazir et père de Bilawal, accusé de corruption, ne peut faire campagne en tant que président.
Les enjeux du scrutin
L'économie défaillante, la terrible crise énergétique, le positionnement du pays face aux très impopulaires Américains, l'éradication de la corruption et la nécessité de développer les services de base dans un pays de 180 millions d'âmes pauvre (près de 30%), sont les principaux thèmes qui ont monopolisés cette campagne.
Ce scrutin est considéré comme historique car il va permettre à un gouvernement civil de passer la main à un autre après avoir terminé un mandat complet de cinq ans, une première dans ce pays créé en 1947 et à l'histoire jalonnée de coups d'Etat militaires. Le pays cherche aussi à sortir d'une longue période de corruption et de détournements de fonds qui a entaché la quasi-totalité des dirigeants.
Une campagne teintée de violences
Le dernier jour de campagne, jeudi, a été marqué par l'enlèvement d'un des fils de l'ancien Premier ministre Yousuf Raza Gilani et de nouvelles menaces des rebelles talibans qui ont promis des attentats le jour du vote samedi.
Trois candidats ont été assassinées durant cette campagne.
Ces dernières semaines, une série d'attentats contre des partis politiques a fait des dizaines de morts et une centaine de blessés dans plusieurs régions du pays.
Plus de 600'000 agents de sécurité seront chargés de protéger les quelque 70'000 bureaux de vote, dont près de la moitié sont considérés comme "à risque".
agences/moha
Les chiites, cible des extrémistes pakistanais
Les chiites constituent 20% de la population du Pakistan, pays majoritairement musulman sunnite de 180 millions d'habitants. Ils sont la cible croissante d'attentats par des groupes extrémistes, qui les accusent de corrompre l'islam et d'être les agents de l'Iran, première puissance chiite au monde.
Quetta, au pied de montagnes abruptes dans la province du Baloutchistan (sud-ouest), a été le théâtre de nombreux attentats contre cette minorité, dont les deux plus meurtriers de l'histoire pakistanaise ont fait près de 200 morts en début d'année.
Le groupe sunnite Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), qui a fait allégeance à Al-Qaïda, a revendiqué ces attentats. Ces derniers ont visé en particulier les chiites de l'ethnie Hazara, reconnaissable à ses traits mongoles.