Une vidéo non authentifiée mise en ligne lundi, montrant un commandant des rebelles syriens commettre des actes barbares sur le cadavre d'un soldat de l'armée syrienne, ranime cette guerre des images que se livrent les deux camps depuis le début de la guerre civile.
Depuis mars 2011, les vidéos montrant des exactions des belligérants se sont multipliées, régime et rebelles s'accusant mutuellement de crimes de guerre et contre l'Humanité. En jeu: le soutien de la communauté internationale et de l'opinion publique.
La vidéo qui dérange
Sur les images diffusées lundi,
un militant rebelle découpe le coeur d'un soldat en uniforme, puis le croque
, avant de lancer: "Nous jurons devant Dieu que nous mangerons vos coeurs et vos foies, soldats de Bachar le chien". L'insurgé se vante ensuite d'avoir en sa possession une autre vidéo le montrant en train de commettre d'autres atrocités.
Selon Human Rights Watch (HRW), la vidéo montre "un commandant de la brigade rebelle Omar al-Farouq en train de mutiler le corps d'un combattant pro-régime". Interrogé via Skype par le magazine américain Time, le rebelle, identifié comme Khalid al-Hamad, assure avoir agi de la sorte après avoir découvert dans le téléphone portable du soldat tué des vidéos montrant ce dernier "humiliant" une femme nue et ses deux filles.
La vidéo a suscité une vague de condamnations internationales, les Etats-Unis se disant "horrifiés" et l'ONU appelant à saisir la Cour pénale internationale.
L'opposition syrienne a aussi manifesté sa colère, qualifiant cet acte d'"horrible et inhumain", tandis que rebelles et militants ont dénoncé une atteinte à l'image de la "révolution".
L'escalade de la barbarie en ligne
Des dizaines d'images montrant des atrocités présumées perpétrées par les rebelles circulent depuis le début du conflit sur internet. Le 2 août 2011, une vidéo est publiée, montrant le corps sans vie d'un soldat à terre, se faisant mutiler par des manifestants à coups d'armes blanches. La victime se fait finalement sectionner le bras droit.
La barbarie des soldats du régime de Bachar al-Assad se retrouve, elle aussi, dans des vidéos publiée sur la toile. Le 17 octobre 2012, des images montrent les corps de plusieurs victimes à terre. Egorgées, elle sont ensuite écrasées par un tracteur.
Le 5 août 2012, une autre vidéo dévoile des corps sans vie, dont le cerveau a été retiré, présentant les exactions présumées commises par le service militaire des renseignements en Syrie.
Fuites ou propagande?
L'enjeu caché derrière ces images violentes est de taille, car elles peuvent influencer un éventuel soutien de la communauté internationale ou l'opinion publique. Lorsque des actes de brutalité sont avérés, ils peuvent entacher la réputation d'un camp au profit de l'autre.
Présentées comme des fuites provenant directement des territoires en guerre, ces vidéos posent toutefois un sérieux problème d'authentification. Il reste très difficile de les attribuer à tel ou tel camp, malgré l'ouverture d'enquêtes. Le risque étant de confondre faits réels, manipulation d'images et propagande.
La communauté internationale (excepté notamment la Russie, l'Iran et la Chine) continue à soutenir les factions rebelles en tentant de convaincre Bachar al-Assad de se retirer du pouvoir.
Mélanie Ohayon avec agences
"Point de rupture" de l'aide internationale et humanitaire
Alors que la crise humanitaire s'aggrave et que tout dialogue semble au point mort, les organisations humanitaires, comme la "Chaîne du Bonheur", intensifient leurs collectes de fonds. En deux ans de guerre civile, la fondation suisse a rassemblé plus de 12,5 millions de francs. A titre de comparaison, plus de 227 millions avait été récoltés pour le tsunami en Asie du Sud-Est en 2004.
La Commission européenne a prévenu qu'à moins d'un règlement politique "très prochain", "la communauté humanitaire ne pourra simplement plus faire face à l'ampleur sans précédent des besoins".
Fin avril, le chef de la Coalition nationale de l'opposition syrienne, Ahmed Moaz al-Khatib, a jeté définitivement l'éponge pour dénoncer l'inaction de la communauté internationale face au bain de sang en Syrie.
Le conflit a déjà fait plus de 94'000 morts, la moitié étant des civils, selon le dernier recensement de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.