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Pourquoi la Turquie s'embrase-t-elle d'Ankara à Istanbul?

Affrontements dans plusieurs villes de Turquie
Affrontements dans plusieurs villes de Turquie / L'actu en vidéo / 3 min. / le 3 juin 2013
Des milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes turques depuis le 31 mai, notamment à Istanbul et Ankara, pour protester contre le gouvernement Erdogan. De violents affrontements entre police et manifestants ont fait des centaines de blessés, selon Amnesty International. Décryptage de ce soulèvement.

Quel événement a mis le feu aux poudres?

Les manifestants ont envahi la place Taksim, à Istanbul, après le départ de la police. [AFP - BULENT KILIC]
Les manifestants ont envahi la place Taksim, à Istanbul, après le départ de la police. [AFP - BULENT KILIC]

Les protestations se dirigent en premier lieu contre un projet de transformation de la Place Taksim à Istanbul. Le gouvernement islamo-conservateur, dirigé par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, souhaite construire sur cette place un centre culturel et un centre commercial, ainsi que reconstituer d'anciennes casernes militaires qui existaient à l'époque ottomane. Ce projet nécessite le déracinement de près de 600 arbres dans le parc Gezi à côté de Taksim.

Depuis l'apparition des premiers bulldozers lundi 27 mai, des militants écologistes et des riverains ont commencé à monter la garde sur la Place Taksim soutenus par des députés de l'opposition.

D'un seul projet contesté, pourquoi des manifestations d'une telle ampleur?

Des heurts ont opposé la police et des manifestants près du bureau du Premier ministre à Istanbul. [GURCAN OZTURK]
Des heurts ont opposé la police et des manifestants près du bureau du Premier ministre à Istanbul. [GURCAN OZTURK]

Le projet de la Place Taksim était "le projet de trop". La défense des 600 arbres s'est rapidement transformée en mouvement de contestation politique. Des milliers de protestataires, rassemblés dans plusieurs villes turques, dénoncent les méga-projets du gouvernement, comme le troisième pont sur le Bosphore ou un aéroport géant à Istanbul.

La Place Taksim est aussi un lieu symbolique. Les grandes manifestations à Istanbul se déroulent à cet endroit. Construire sur cette place, c'est s'attaquer aux points sensibles des militants de gauche.

La société laïque dénonce également une dérive trop "islamiste" du pays depuis Erdogan, comme la décision de restreindre la vente d'alcool ou limiter le droit à l'avortement.

Comment réagit le gouvernement Erdogan?

Le mouvement de contestation a été marqué par la violence de la répression policière. Des gaz lacrymogènes et des canons à eau ont été utilisés pour disperser les manifestants.

Des protestataires ont répondu par des jets de pierres, en détruisant des vitrines de commerces ou en incendiant des voitures. En trois jours, plus de 1700 manifestants ont été arrêtés dans toute la Turquie.

Si Erdogan a admis que la police avait agi dans certains cas de façon extrême, il reste déterminé à concrétiser son projet sur la Place Taksim.

Photos des manifestations sur Twitter:

Erdogan est-il prêt à lâcher du lest?

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. [Burhan Ozbilici - AP Photo/Keystone]
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. [Burhan Ozbilici - AP Photo/Keystone]

Alors que le président turc Abdullah Gül a assuré que les protestataires avaient été entendus, Erdogan a attisé la colère de la rue dans une interview accordée à la télévision turque. Le Premier ministre qualifie notamment les manifestants de "marginaux".

Il s'est aussi montré très critique envers les réseaux sociaux, qui relayent abondamment cette vague contestataire (voir encadré et site du mouvement). "Maintenant, nous avons une menace qui est appelé Twitter" a-t-il lancé. Avant de rajouter: "Les meilleurs exemples de mensonges peuvent être trouvés ici. Pour moi, les médias sociaux sont la pire menace pour la société".

Après le printemps arabe, peut-on parler de printemps turc?

C'est un raccourci trop simpliste. Le gouvernement turc est élu démocratiquement. Les contestations populaires dans les pays du Maghreb en 2011 (printemps arabe) ont permis de renverser des dictateurs. La révolution égyptienne a provoqué par exemple le départ de Hosni Moubarak, élu président en 1981 alors qu'il n'y avait aucun autre candidat.

Même si les manifestants dénoncent l'autoritarisme grandissant de leur Premier ministre, Erdogan a lui été réélu pour la troisième fois par son peuple en 2011, obtenant près de 50% des suffrages.

Mélanie Ohayon

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Le mouvement de contestation alimenté par les réseaux sociaux

Le mouvement a formé un groupe sur Facebook sous le nom "Occupygezi". Les internautes y déposent de nombreuses photos et vidéos des manifestations.

Le même principe participatif est de mise sur site un Internet entièrement dédié à cette vague contestataire: http://www.saat2201.com

Des milliers de personnes expriment aussi leur soutien aux manifestants sur Twitter:

(Pétition urgente pour forcer Erdogan à stopper la destruction du parc Gezi. Rejoignez-moi.)

Urgent petition pressuring Erdoğan to stop the crackdown and the destruction of Gezi park. Join me #occupygezi avaaz.org/en/petition/Er…

— Lucy Lawless (@RealLucyLawless) June 3, 2013




(Pour notre peuple qui souffre aux mains de l'oppression en Turquie. Rappelez-vous que nous vous aimons tous! Restez forts!)

For our people in the struggle suffering at the hands of oppression in Turkey. Remember, we love you all! Stay strong! #occupygezi

—(@LulzPirate) June 2, 2013




(Erdogan dit: "Les manifestants sont terroristes." Regardez cette photo. Qui est le terroriste?)

Erdogan says:" The protesters are terorist." Look at this pic. Who is the terorist? #DictatorErdogan #occupygezi twitter.com/melisektirici/…

— Melo (@melisektirici) June 2, 2013

Le soutien aux manifestants prend une ampleur internationale

Les pays alliés occidentaux de la Turquie, les Etats-Unis et le Royaume Uni , ont appelé le gouvernement à la retenue.

Depuis le début des contestations, des défilés de soutien aux protestataires se sont organisés, notamment aux Etats-Unis, en Grèce et en Israël.

Ennemi juré d'Ankara, le régime de Damas n'a pas manqué de dénoncer également la politique du Premier ministre turc, qui se présente souvent en modèle démocratique pour les pays arabes.