Un procès historique a débuté jeudi au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) basé à Leidschendam, près de La Haye, aux Pays-Bas. Neuf ans après les faits, les meurtriers présumés de l'ex-Premier ministre sunnite Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005, seront jugés par contumace. Un peu éclipsé par le conflit syrien et le récent regain de violence au Liban, ce procès -très attendu- possède plusieurs enjeux.
Pour suivre le procès, lire ici >> Ouverture à La Haye du procès des assassins présumés de Rafic Hariri
Ce qui est jugé
Le 14 février 2005, Rafic Hariri est assassiné en sortant du café de l'Etoile, au centre de Beyrouth. Vers 13 heures, une camionnette blanche Mitshubishi explose tuant le Premier ministre et 21 autres personnes. Elle contenait 2,5 tonnes de TNT. Une enquête internationale est mandatée par l'ONU, à la demande du Liban.
Le 17 août 2011, la totalité de l'acte d'accusation contre quatre membres du Hezbollah inculpés dans le cadre de l'enquête est publiée. Des mandats d'arrêt internationaux sont délivrés. Mais le parti chiite, entré au gouvernement libanais en 2008, réfute toute accusation et refuse de remette les suspects à la justice évoquant "un complot américano-israélien".
Un procès inédit
C'est la première fois qu'un tribunal international ne doit juger ni un crime de guerre ni un crime contre l'humanité, mais un crime relevant du terrorisme. C'est en outre la première fois au Liban qu'un assassinat politique est jugé.
A la différence des procédures appliquées par les autres tribunaux internationaux, le procès a ouvert en l'absence physique des accusés, lesquels sont par conséquent jugés par contumace.
Un tribunal controversé
Après l'assassinat, immédiatement attribué par la famille du défunt au régime syrien et à ses alliés libanais, Beyrouth ne pouvait enquêter sereinement ni juger les coupables. C'est pourquoi l'aide de l'ONU fut demandée.
Le Tribunal spécial pour le Liban fut créé après que la résolution 1757 a été votée au Conseil de sécurité en mai 2007. Dès le début, cette instance est critiquée par le camp pro-syrien. En 2011, onze ministres du Hezbollah et ses alliés quittent subitement leur portefeuille pour protester par anticipation contre l'acte d'accusation que s'apprête à publier le TSL. Se faisant, ils parviennent à faire tomber le gouvernement de Saad Hariri, le fils du Premier ministre assassiné.
Clivages exacerbés
La mort de Rafic Hariri en 2005 provoqua une colère populaire telle que les troupes syriennes, présentes depuis 29 ans au Liban, finissent par se retirer. Mais cela n'apaise pas les animosités entre pro et anti-Syriens, entre chiites et sunnites. Le Tribunal est érigé en véritable pomme de discorde autour de laquelle les deux parties ne cessent de s'affronter.
Quelque peu éclipsé par la guerre syrienne et le regain de violence qui l'accompagne côté libanais, le TSL pourrait jouer un rôle non négligeable dans l'avenir de la région. En effet, selon les pièces à conviction dont dispose l'accusation, le procès pourrait provoquer bien des remous s'il venait à toucher la direction du Hezbollah et, a fortiori, les gouvernements iraniens et syriens.
Juliette Galeazzi