Après près de trois ans de prison, Ioulia Timochenko est revenue sur le devant de la scène ukrainienne avec un discours très suivi dans le centre de Kiev, juste après la destitution du président Viktor Ianoukovitch.
Agée de 53 ans, cette femme élégante et rompue aux techniques de communication s'est faite connaître du monde entier en 2004. Reconnaissable à sa tresse traditionnelle, elle s'était faite l'égérie de la Révolution orange pro-occidentale qui secouait le pays.
Elle haranguait les foules à Kiev contre le Premier ministre de l'époque, également candidat à la présidentielle et soutenu par Moscou, Viktor Ianoukovitch. La coalition "orange" qu'elle formait alors avec Viktor Iouchtchenko l'emporte, soutenue par les Occidentaux, et au grand dam de la Russie de Vladimir Poutine.
Une politique aux nerfs solides
Les années de pouvoir ont ensuite défait cette alliance -- Timochenko quitte le gouvernement, puis en reprend la tête en 2007 -- jusqu'à la présidentielle de 2010, qui marque le retour victorieux de Viktor Ianoukovitch.
Les ennuis judiciaires commencent alors pour Mme Timochenko. Elle est condamnée en 2011 à sept ans de prison pour avoir signé en sa qualité de chef du gouvernement un accord gazier avec la Russie à des conditions jugées défavorables à son pays.
Son incarcération et sa condamnation deviennent très rapidement un écueil majeur dans les relations entre l'Ukraine et les Occidentaux, qui demandent sa libération.
Même derrière les barreaux, cette politique aux nerfs solides continue de combattre le pouvoir de Ianoukovitch. C'est ainsi qu'elle observe une grève de la faim de trois semaines pour protester contre des violences dont elle affirme avoir été victime.
Jeanne d'Arc et Thatcher comme références
Transférée en mai 2012 à l'hôpital de Kharkiv (est) afin d'y être soignée pour des hernies discales, elle accuse le président de l'y soumettre à une vidéosurveillance de tous les instants, jusque dans les toilettes. Cette femme menue avait acquis bien avant son incarcération sa réputation de "dame de fer".
Dans le bureau qu'elle occupait à Kiev, une statuette de Jeanne d'Arc, les mémoires de l'ex-Première ministre britannique Margaret Thatcher et un livre sur l'ancienne secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright montraient ses références politiques et la hauteur de ses ambitions.
afp/olhor
Opposante la plus radicale
Si son rôle futur reste difficile à évaluer, cette femme de 53 ans à la réputation de dame de fer a déjà montré durant sa carrière une combativité impressionnante aussi bien au poste de Premier ministre que quand elle était en prison.
Dans la crise qui touche l'Ukraine depuis fin novembre, l'ex-Premier ministre est apparue comme l'opposante la plus radicale au régime de Viktor Ianoukovitch, élu en 2010.
Elle l'a accusé de transformer l'Ukraine en Corée du Nord et jugé inutile toute négociation avec lui, appelant jeudi, après des tirs à balles réelles en plein centre de Kiev qui ont fait des dizaines de morts, à sa mise à l'écart immédiate et à des poursuites judiciaires contre lui.
Beaucoup de détracteurs
Ses adversaires politiques la considèrent en revanche comme une pure opportuniste et une manipulatrice et s'appliquent à souligner les zones d'ombre de son parcours.
Ingénieur-économiste à l'époque de l'URSS, elle a dirigé une importante compagnie énergétique, bénéficiant du monopole de l'importation de gaz russe en Ukraine après l'indépendance du pays en 1991.
Selon ses détracteurs, elle coopérait alors très étroitement avec Pavlo Lazarenko, ex-Premier ministre aujourd'hui incarcéré aux Etats-Unis pour escroquerie et blanchiment d'argent, ce qui lui a valu d'être visée par des enquêtes en Russie et en Ukraine.