Origine et localisation
Le groupe Etat islamique (EI) est un Etat non reconnu internationalement qui se revendique comme un califat. Il s'étend entre la Syrie et l'Irak et dit vouloir s'octroyer une autorité sur seize provinces des deux pays. Il a établi sa capitale à Raqqa, en Syrie.
Ce mouvement islamiste ultra-radical sunnite est né en juillet 2014 après le changement de nom de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Celui-ci avait été fondé en 2013 sur les bases de l'Etat islamique en Irak (EII), lui-même créé en 2006 de la fusion de plusieurs groupes djihadistes irakiens ainsi que de quelques dizaines de tribus sunnites. Mais son émergence réelle remonte à 2003, lors de la vague d'attentats qui a suivi l'invasion américaine en Irak.
Selon les estimations des experts, l'EI compte 5000 à 6000 combattants en Irak et 6000 à 12'000 en Syrie.
Stratégie et avancée
Les djihadistes de l'Etat islamique ont peu à peu pris le contrôle, au terme de combats violents, de larges pans de la Syrie et l'Irak, jusqu'à annoncer la création d'un califat islamique fin juin 2014 et à demander aux musulmans une allégeance à leur chef Abou Bakr Al-Baghdadi (voir encadré).
Les califats ont disparu de la région au début du 20e siècle et ressortir ce terme est selon les experts un moyen symbolique d'asseoir leur pouvoir et de menacer le leadership d'Al-Qaïda dans la région.
L'EI prône une interprétation rigoureuse de la charia, la loi islamique, à tel point que le porte-parole du mouvement a prié les musulmans de rejeter la démocratie, la laïcité et le nationalisme.
Aguerris au combat et aux armes sophistiquées, les djihadistes ont notamment réussi à conquérir les villes irakiennes de Mossoul, Falloujah, Alqosh, Qaraqosh et Sinjar, mais des combats y ont encore lieu. De nombreuses ONG ont dénoncé certaines atrocités commises par les djihadistes.
Le nom même d'Etat islamique fait débat, car ce n'est pas un Etat reconnu et l'adjectif islamique est usurpé selon certains. Mais l'appellation arabe Daesh, qui veut dire la même chose, est aussi critiquée, de même que l'abréviation EI ou son pendant anglais IS.
Ennemis et alliés
En avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi annonce la fusion de son groupe avec le Front al-Nosra, une branche d'Al-Qaïda active en Syrie, pour créer l'EIIL. Le Front al-Nosra va toutefois refuser cette alliance et, en février 2014, le chef d'Al-Qaïda, Aymane Al-Zawahiri, officialise sa rupture avec l'EIIL en lui demandant de quitter la Syrie. Les deux groupes opèrent ainsi de façon séparée et se font aussi la guerre en Syrie.
Les rebelles syriens du Front islamique ont eux aussi rejeté l'idée de califat islamique.
Après avoir longtemps tourné le dos à l'Etat islamique, Al-Qaïda au Maghreb islamique a changé de discours depuis la mi-septembre, appelant à une alliance entre factions djihadistes pour contrer l'intervention américaine en Syrie.
L'EI sunnite est en Irak le fer de lance de l'opposition armée au gouvernement à dominance chiite. En Syrie, il se bat à la fois contre le régime de Bachar al-Assad et contre le reste de la rébellion.
Le mouvement entend avancer vers Bagdad, un objectif prioritaire, et repousser la minorité kurde du nord. Les villes chrétiennes ont aussi été assiégés, poussant des milliers de chrétiens à fuir.
Quant aux alliés de l'EI, ils se trouvent surtout au sein des populations locales, syrienne et irakienne: "Il y a encore beaucoup de tribus dans ces régions qui sont prêtes à se rallier au groupe le plus fort. C'est dans leur intérêt de soutenir l'EI, qui est un groupe sunnite fortement organisé et qui monte en puissance", explique Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, à Lyon.
L'EI bénéficie aussi du soutien d'ex-officiers de Saddam Hussein et de groupes salafistes de la région.
Sources de financement
Le groupe djihadiste se finance via plusieurs sources principales. La première est le pétrole: "Les attaques visent notamment à s'emparer des puits de pétrole", selon Fabrice Balanche. "Après raffinage, le pétrole est vendu à la population locale, alors que le pétrole brut est vendu aux frontières", explique-t-il.
Les prises d'otages restent toutefois la source de revenus la plus profitable, selon le spécialiste: "Le pétrole rapporte quelques millions, alors que les otages peuvent se négocier à plusieurs dizaines de millions".
Les pillages d'antiquités constituent aussi une source importante de revenus, avec en lien le blanchiment d'argent.
Enfin, s'il ne bénéficie de l'aide ouverte d'aucun Etat, l'EI bénéficie de dons provenant des pays du Golfe, notamment au Koweït: "Les donateurs sont des émirs qui soutiennent le groupe sunnite face aux chiites et aux athées".
Propagande
Que ce soit sur Facebook ou Twitter, l'EI est très présent sur internet. Ses membres y racontent notamment leurs actions en textes et en images. "C'est également un bon moyen de recrutement", précise Fabrice Balanche.
Il existe aussi quantité de blogs tenus par des membres du groupe djihadiste qui mènent une propagande et cherche à rallier de nouveaux combattants.
Le noir est également un des signes distinctifs du mouvement. Cette couleur est partout, que cela soit les turbans des hommes ou les voiles des femmes. Même les passeports sont noirs.
Le drapeau choisi par le califat est une variante de l'étendard noir de Mahomet.
Mathieu Henderson/boi
L'ascension de Baghdadi, chef de l'EIIL
Abou Bakr al-Baghdadi, leader du groupe Etat islamique, serait né dans la ville irakienne de Samarra en 1971, selon le Trésor américain.
Il a rejoint l'insurrection en Irak peu après l'invasion conduite par les Etats-Unis en 2003. Les forces américaines avaient annoncé sa mort en octobre 2005, mais Abou Bakr al-Baghdadi est réapparu en mai 2010 à la tête de l'Etat islamique en Irak (EII). Les Etats-Unis l'ont officiellement classé "terroriste" en 2011.
Lors de la création du califat islamique en 2014, il a été rebaptisé "calife Ibrahim" et donc chef des musulmans partout dans le monde.
"Un '11 septembre européen' reste possible"
Quelque 12'000 combattants étrangers se sont rendus en Syrie pour combattre avec les djihadistes, dont 3000 venant de pays occidentaux, selon une étude publiée par The Soufan Group.
Un phénomène qui inquiète Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, à Lyon: "On peut s'attendre à ce que des cas isolés telle que la fusillade au Musée juif de Bruxelles se répandent. Nous ne sommes pas à l'abri d'un '11 septembre' européen".
Et de rappeler que "ces personnes s'engagent d'une part contre le président syrien Bachar al-Assad mais aussi pour faire tomber Israël au profit d'un Etat palestinien".
Ceci dit, tant que les conflits en Irak et en Syrie perdurent, les risques restent limités en Occident, précise Fabrice Balanche: "Ces groupes ont besoin des combattants occidentaux pour mener leurs guerres. Perpétrer des attentats forcerait les Etats à plus de vigilance, ce qui compliquerait le recrutement".
Propos recueillis par mh