RTSinfo: Depuis le crash du vol MH17 jeudi, l'espace aérien de l'est de l'Ukraine est interdit aux avions civils. Certaines restrictions étaient-elles déjà en place lors de son passage ?
Vladi Barrosa: L'espace aérien jusqu'à 32'000 pieds au-dessus du territoire en cause était fermé, mais l'avion de Malaysia Airlines volait à 33'000 pieds (10'000 mètres), il était donc autorisé à circuler à cette altitude. Les routes aériennes peuvent effectivement être fermées à une altitude donnée, suivant la situation de la zone de conflit.
Dans le cas de l'Ukraine et de la Russie, nous avions reçu des services aériens russes l'information que 13 routes aériennes étaient fermées en raison de combats. Les services ukrainiens, en revanche, n'avaient rien communiqué.
Qui prend la décision d'interdire l'accès à l'espace aérien d'un territoire ?
Les autorités d'un pays ou l'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI), qui fait partie des Nations Unies, peuvent déclarer une "no-fly zone", une zone interdite de vol. En Suisse, la décision est prise par l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) et par Skyguide. Lors des conférences de paix sur la Syrie en janvier dernier, nous avons par exemple fermé temporairement une zone au-dessus de Montreux. C'est pareil durant la période du World Economic Forum à Davos.
Quels critères justifient cette fermeture ?
Cela peut être un phénomène climatologique, comme des orages ou un temps extrêmement mauvais. Ou en cas d'actions de combat, aériens par exemple. Les situations sont évaluées au cas par cas, avec l'OFAC et, en cas de combat, avec les forces aériennes.
Pourtant, des avions civils continuent de survoler des territoires en conflit...
En effet, certaines zones sensibles sont quotidiennement survolées, notamment lorsque l'on se rend en Asie, on passe au-dessus de l'Afghanistan, l'Iran ou l'Irak. Mais un avion civil abattu est un événement extraordinaire!
La restriction est-elle forcément générale ou peut-elle, par exemple, s'appliquer aux avions d'un seul pays ?
Oui, c'est possible. L'OFAC peut émettre une restriction, par exemple pour des vols diplomatiques. Imaginez un dictateur africain en vol avec des millions de dollars, dans le but de s'exiler: on pourrait lui interdire de survoler et d'atterrir en Suisse. Si l'on prend l'exemple réel du détournement du vol d'Ethiopian Airlines en février dernier à Genève, le survol et l'atterrissage en Suisse lui avaient préalablement été interdits.
En l'absence de restriction de l'espace aérien, un pays peut-il empêcher ses compagnies aériennes de survoler un territoire par sécurité ?
La Suisse peut donner des recommandations sur les zones à éviter, mais la responsabilité finale est celle des compagnies aériennes privées, qui décident dans quelle zone elles veulent voler.
Propos recueillis par Jessica Vial
Vol formellement autorisé
L'Ukraine avait déconseillé lundi le vol à 32'000 pieds (9800 mètres), mais le MH17 se déplaçait à une altitude de 33'000 pieds (10'000 pieds). Une marge "tout à fait normale" selon John Cox, consultant en sécurité aérienne sollicité par le Wall Street Journal.
L'expert affirme que la distance de sécurité imposée par les autorités ukrainiennes était suffisante. "Il n'y a jamais eu d'avion abattu par un missile sol-air à une telle altitude. La menace a toujours été cantonnée aux missiles à l'épaule des rebelles, qui ne peut dépasser les 15'000 pieds".
Fort impact des restrictions
"La route suivie par l’avion de la Malaysia Airlines est la plus empruntée pour les vols de l’Europe vers l’Asie du sud-est", indique l'European Cockpit Association, interrogée par Le Monde.
Selon Eurocontrol, la fermeture de l’espace aérien ukrainien affecterait 300 vols chaque jour.