Des 103 milliards de dollars alloués à l'Afghanistan par Les Etats-Unis pour sa reconstruction, une bonne partie a été dépensée en pure perte, analyse l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan, John Sopko.
"Une partie des fonds a été dépensée sagement, une autre pas du tout. Des milliards ont été gaspillés", soupire le responsable de cette autorité de surveillance du gouvernement américain. "Nous avons construit des écoles qui se sont écroulées, des cliniques sans médecins, des routes qui partent en morceaux..."
Plus que le Plan Marshall
D'ici fin 2014, les Etats-Unis auront davantage dépensé depuis 2001 pour l'Afghanistan que dans le cadre du Plan Marshall pour l'Europe après la Deuxième Guerre mondiale.
Depuis deux ans, John Sopko et son équipe de 200 personnes n'hésitent pas à recadrer les agences américaines soupçonnées de gaspiller l'argent. Ils apportent aussi un éclairage crû sur la corruption des élites afghanes et des responsables américains.
agences/asch
Pas question de couper les vivres à Kaboul
Si John Sopko est surpris du peu d'empressement des agences américaines à mettre en place des mécanismes de contrôle des dépenses, il n'est pas partisan de couper les vivres à l'Afghanistan.
"Si on arrête la reconstruction tout d'un coup, les ennuis risquent de pleuvoir. Les Afghans ne peuvent pas se permettre de financer le mode de gouvernement que nous leur avons fourni", explique-t-il. "Pour l'instant, ils ne peuvent pas financer leur police, leur armée, leurs hôpitaux, leurs routes, les salaires".
Des millions pour du soja... que personne ne mange
Selon John Sopko, les 34,4 millions de dollars versés à un projet de culture de soja sont symptomatiques de "l'attitude américaine qui frise l'autoritarisme en décrétant savoir mieux que les Afghans ce qui est bon pour eux".
"On a eu une idée lumineuse: on allait cultiver du soja. Mais on n'en a pas touché un mot aux Afghans; or, ils ne cultivent pas le soja, ils ne l'aiment pas, ils ne le mangent pas et il n'existe aucun marché", raconte l'inspecteur général spécial.
La lutte contre le trafic d'opium, un échec
Autre échec retentissant de Washington en Afghanistan, la lutte américaine contre les stupéfiants. Depuis l'invasion de 2001, "le nombre d'hectares cultivés a augmenté, la production d'opium a augmenté, les volumes exportés ont augmenté. Le nombre d'usagers a augmenté", constate John Sopko.
"C'est un cancer qui ronge l'Afghanistan. Dans de très nombreux domaines, le gouvernement fait face à un rival; ce ne sont pas les insurgés, ce sont les narcotrafiquants". Les experts estiment même que 90% de la production mondiale d'opium provient d'Afghanistan.