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"Pékin ne peut pas se permettre un nouveau Tiananmen" à Hong Kong

Jean-Pierre Lehmann, professeur d'économie à l'IMD et fondateur de l'Evian Group, un cercle de réflexion dédié à une économie de marché durable. [IMD]
Jean-Pierre Lehmann, professeur d'économie politique internationale à l'IMD / L'invité de la rédaction / 22 min. / le 1 octobre 2014
La Chine craint une "contagion" de la contestation pro-démocratie de Hong Kong au continent, juge le professeur Jean-Pierre Lehmann. Mais une répression du mouvement serait très dangereuse, selon lui.

Pékin ne peut pas se permettre de réprimer dans le sang le mouvement pro-démocratie de Hong Kong, car ce serait "extrêmement dangereux pour la prospérité et l’avenir de la Chine", selon le professeur Jean-Pierre Lehmann, professeur d'économie politique internationale à l'IMD à Lausanne.

>> Lire aussi : L'hymne national chinois sifflé par les manifestants hong-kongais

"La Chine se rend compte que les enjeux sont très élevés: s'il y a un nouveau Tiananmen, il y aura une réaction internationale et des sanctions", a indiqué mercredi Jean-Pierre Lehmann dans le Journal du matin de La Première.

Crainte de contagion

Il est toutefois persuadé que le pouvoir chinois ne va rien lâcher. "Ce sera sans issue pour les manifestants. Le scénario le plus probable est que ça continue un moment" puis que le mouvement s'essouffle, selon le professeur, qui enseigne également à Hong Kong.

"Ce que Pékin craint avant tout, c’est un élément de contagion. Il y a toujours eu des manifestations sociales en Chine. Il y a une quinzaine d'années, c’était uniquement dans les campagnes. Maintenant, c'est dans les villes", note Jean-Pierre Lehmann.

"Le slogan de Pékin pour Hong Kong était: une nation, deux systèmes. Finalement, peut-être que ces deux systèmes ne peuvent pas cohabiter", se demande-t-il.

Hypocrisie britannique

Alors que Londres et Washington ont appelé au dialogue entre les manifestations et le régime de Pékin, un engagement international dans la crise serait "la pire des choses car cela ferait perdre encore plus la face" à la Chine, estime Jean-Pierre Lehmann.

Le professeur pointe d'ailleurs l'"hypocrisie" du Royaume-Uni. "Les Britanniques ont été les maîtres de Hong Kong de 1842 à 1997, ils n'ont jamais donné la démocratie aux citoyens de Hong Kong", rappelle-t-il.

dk

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En 1989, le "massacre de Tiananmen"

Les manifestations pro-démocratie et anti-corruption se sont tenues sur la place Tiananmen à Pékin et dans d'autres villes de Chine entre le 15 avril et le 4 juin 1989.

L'armée a mené une vaste répression, avec en point d'orgue la nuit du 3 au 4 juin à Pékin, parfois appelé "massacre de Tiananmen".

Le bilan de cette intervention demeure incertain, entre quelques centaines et plusieurs milliers de victimes civiles selon les sources (241 pour Pékin, 7000 pour l'OTAN, 1000 selon Amnesty...).

Une question de démocratie, mais aussi d'identité

Les manifestations de Hong Kong ne sont pas qu'une question de démocratie, mais aussi une question d'identité: "Hong Kong ne veut pas devenir une autre ville chinoise", selon Jean-Pierre Lehmann.

Le territoire a non seulement une identité politique et historique propre, mais aussi linguistique - le cantonais et non le mandarin, relève-t-il. "Les Hong-Kongais craignent d'être submergés".

L'élite du Parti communiste, "une élite féodale"

Jean-Pierre Lehmann se montre très sévère avec l'élite du Parti communiste chinois: "c'est une élite féodale, c’est la noblesse de la Chine d'aujourd’hui, qui a ses privilèges et qui veut donc s’opposer à la bourgeoisie en train d’émerger."

Cette élite est selon lui "en relation très étroite avec les milliardaires de Hong Kong", elle veut pouvoir "continuer à faire du pognon".

Quant au nouveau président chinois Xi Jinping, "il est en faveur des réformes économiques et sociales, mais pas politiques", note Jean-Pierre Lehmann. "C'est un "dictateur", résume-t-il.