Meurtres de masses, décapitations médiatisées, viols sans nombre, esclavage sexuel: pas un jour ne passe sans que les violences du groupe Etat islamique (EI) en Syrie et et Irak ne défraient la chronique des médias occidentaux.
Trois ans après les premières insurrections dans le monde arabe, en 2011, ces révolutions sont-elles responsables de cette escalade de violences?
"Absolument pas", affirme le politologue français Kader Abderrahim, spécialiste du monde arabe et de l'islamisme à l'Institut d'études politiques de Paris, mardi au micro de la RTS.
Terrorismes plus anciens
"Les terrorismes existaient bien avant cela, ils n'en sont pas le produit. Il ne faut pas dénigrer ces moments historiques: en effet, c'est l'hiver 2011 qu'ont choisi les peuples arabes pour revenir dans l'Histoire, c'est l'émergence de l'individu, de la citoyenneté."
Pour le chercheur, l'Etat islamique se nourrit au contraire de la convergence de nombreux mouvements anciens (Baasistes, islamistes), et de leurs idéologies très diverses.
"La religion n'est pas le ressort principal"
"Le ressort principal de l'Etat islamique n'est pas la religion. Ce sont les anciens généraux baasistes qui mènent cette guerre", indique le politologue, pour qui le terrorisme de l'EI est la conséquence de vingt ans d'interventions militaires dans cette région du monde, qui ont déstabilisé le peu d'Etat qui existait.
"Ces groupe terroristes connaissent bien mieux les ressorts de la société occidentale que nous ne connaissons la leur. Ils en sont le produit", affirme Kader Abderrahim.
Il faut donc travailler en amont, sur la politique et les relations internationales, préconise le politologue.
kkub
Dilemne face au traitement médiatique
Quant au traitement des actions terroristes par les médias, le politologue s'avoue impuissant: "C'est un vrai défi pour la démocratie", a-t-il commenté.
"Ne pas en parler serait une injustice aux victimes, en parler fait le jeu des terroristes."
La poudrière algérienne
En Algérie, qui a connu plus de 12'000 rassemblements de contestation en 2013, le statu quo est toujours en oeuvre au plus haut niveau de l'Etat, note Kader Abderrahim.
"C'est une vraie bombe à retardement, une paix sociale achetée. Mais on ne pourra jamais acheter tous les esprits. C'est un mauvais calcul à long terme, d'autant plus que l'Algérie a pris un retard conséquent, par exemple par rapport au Maroc."
Dans cette société, chaque acte du quotidien est compliqué, explique le chercheur. "Aujourd'hui, le régime a tué tous les intermédiaires. Du coup, lorsqu'il y a contestation, on est face un magma qui explose."