Un tribunal turc a ordonné mercredi le blocage des sites internet qui publient la caricature du prophète Mahomet en Une du journal satirique français Charlie Hebdo, paru après l'attentat qui a décimé sa rédaction, a rapporté l'agence gouvernementale Anatolie.
Le dessin représente un Mahomet la larme à l'oeil tenant une pancarte "Je suis Charlie" et a suscité la colère dans le monde musulman (voir encadré).
"Coupables de provocation"
La décision de blocage a été prise par un tribunal de Diyarbakir (sud-est) et vise "l'accès aux pages des sites internet qui publient aujourd'hui la première page de Charlie Hebdo", a précisé l'agence Anatolie.
"Ceux qui méprisent les valeurs sacrées des musulmans en publiant des dessins représentant soi-disant notre prophète sont clairement coupables de provocation", a par ailleurs réagi sur Twitter l'un des vice-Premiers ministres du gouvernement islamo-conservateur au pouvoir à Ankara, Yalcin Akdogan.
afp/ptur
Manifestation en Mauritanie, interdiction au Sénégal
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté mercredi dans la capitale mauritanienne Nouakchott pour protester contre la Une de Charlie Hebdo.
"Tout sauf le prophète", "Je ne suis pas Charlie Hebdo", "non à l'insulte à notre croyance", pouvait-on lire sur les pancartes et banderoles portées par les manifestants.
Le Sénégal a, de son côté, interdit mercredi la diffusion "par tout moyen" de l'édition du jour du journal satirique, ainsi que du quotidien Libération, "sur toute l'étendue du territoire national".
Le journal d'opposition turc Cumhuriyet seul contre tous
Un quotidien d'opposition turc a bravé mercredi, seul, les pressions et menaces en publiant les caricatures, dont celle de Mahomet, du numéro de Charlie Hebdo paru mercredi.
Après un contrôle de police nocturne, le journal Cumhuriyet, ennemi juré du président Recep Tayyip Erdogan, a distribué un encart de 4 pages reprenant l'essentiel de l'hebdomadaire satirique français.
Cumhuriyet est, pour l'heure, le seul organe de presse à avoir osé cette publication dans un pays musulman.
Dans son billet, l'éditorialiste politique de Cumhuriyet a accompagné la reproduction de la caricature de quelques mots en forme d'éditorial: "le terrorisme est un crime contre l'Humanité, quelle que soit son origine. C'est pour cela qu'il (le prophète) tient dans sa main une pancarte 'je suis Charlie'."
Colère et menaces dans le monde musulman
Comme à chaque publication de caricatures du prophète, Charlie Hebdo a suscité mercredi une tempête de critiques aux quatre coins du monde islamique.
Al-Azhar, prestigieuse institution de l'islam sunnite basée en Egypte, a appelé à "ignorer" ces nouveaux dessins Mahomet qualifiés de "frivolité haineuse".
Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a appelé au "respect" mutuel des convictions religieuses.
"C'est un acte extrêmement stupide", a renchéri, menaçante, la radio du groupe Etat islamique (EI).
L'Union mondiale des oulémas musulmans a estimé, pour sa part, qu'il n'était "ni raisonnable, ni logique, ni sage" de publier de nouveaux dessins "offensant le prophète ou attaquant l'islam".
Quant au mufti de Jérusalem, plus haute autorité religieuse dans les Territoires palestiniens, il a indiqué que "cette insulte a blessé les sentiments de près de deux milliards de musulmans dans le monde".
"Nous exigeons que [ce journal] présente des excuses pour cette atteinte délibérée", a affirmé le principal parti de l'opposition islamiste en Jordanie.
"C'est un acte qui contribue directement à aider le terrorisme, l'extrémisme et les fondamentalistes", a enfin indiqué le Hezbollah dans un communiqué.