Dans la foulée de Syriza, qui a remporté les législatives en Grèce, les autres formations anti-austérité sont en plein boom en Europe, et en premier lieu le parti Podemos en Espagne.
Lors des élections municipales du 24 mai, une liste issue du mouvement des indignés et intégrée par Podemos est en tête à Barcelone et une autre, de la même tendance, deuxième à Madrid avec des chances d'être élue.
Les sondages placent également Podemos en tête de tous les partis, avec plus de 27% des intentions de vote aux élections législatives de fin 2015. Et le bipartisme en vigueur depuis de longues années en Espagne commence à voler en éclats.
Issu des Indignés
Le mouvement qui affirme "Nous pouvons" a vu officiellement le jour en janvier 2014 lors d'un manifeste soutenu par des intellectuels, personnalités publiques et activistes espagnols.
Son but premier: injecter dans la politique institutionnelle les revendications exprimées lors de la mobilisation sociale du mouvement des Indignés en 2011.
Le professeur de sciences politiques Pablo Iglesias, 36 ans, prend la tête de la formation, qui se constitue en parti politique en mars 2014 en vue des élections européennes deux mois plus tard.
Podemos fait alors une entrée fracassante sur la scène politique européenne, en raflant 7,9% des voix et 5 sièges au Parlement, tout en se profilant comme 4e force politique en Espagne, juste derrière la Gauche unie.
Rétablir la souveraineté nationale
Résolument de gauche, se revendiquant de la démocratie participative, de l'anti-capitalisme et de l'écosocialisme, Podemos s'organise en "cercles" régionaux et thématiques. Son programme électoral prône une récupération, par les pays du sud de l'Europe, "de leur économie, de leur souveraineté et de leurs terres".
En tête des préoccupations, la dette des Etats du sud envers leurs créanciers européens, dont le redressement a généré des politiques nationales d'austérité. Le parti prône la création d'emplois, la renégociation de la dette, voire l'annulation lorsque celle-ci est jugée "illégitime".
La stratégie comprend également la dé-privatisation des secteurs-clé, notamment la santé, les transports, l'énergie, l'éducation et les télécommunications, ainsi qu'un renforcement de la banque publique. Réforme drastique de la fiscalité et revenu minimum pour tous sont également au programme.
Pragmatique en vue des législatives de 2015, où il "veut gagner", Podemos, à l'instar de Syriza, a toutefois déjà modéré son propos, préférant évoquer une "restructuration négociée" de la dette plutôt que sa décote.
Briser l'invisibilité politique
Pablo Iglesias, le médiatique leader du parti, s'est rendu célèbre par ses émissions politiques sur les chaînes de télévision locales, puis par ses interventions dans des débats sur les plateaux des grandes chaînes. Tout comme lui, les membres de Podemos sont rompus à l'art de la communication, omniprésents sur les réseaux sociaux. "Ils ont brisé l’invisibilité des mouvements sociaux", commente un politologue espagnol dans un portrait de Libération.
La formation n'échappe pas aux accusations d'utopisme, voire de populisme. Le parti galvanise en effet les espoirs d'une population épuisée par les coupes budgétaires et écoeurée par des scandales de corruption à répétition, dans une Espagne où la pauvreté croissante touche une famille sur quatre. Deux millions et demi d’Espagnols seraient au bord de l’exclusion sociale, soit 24% de plus qu’en 2012.
Fruit d'une crise du régime, le parti exprime la faillite d’un système et l'impasse où se trouvent les deux formations hégémoniques, le Parti populaire (PP, droite au pouvoir) et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). "C'est la première fois, depuis 1982, qu'un parti qui n'est ni le PP ni le PSOE sort premier en intentions de vote", constate le vice-président d'un institut de sondage espagnol dans Les Echos.
Contestation populaire
Alors que les stratégies respectives s'affûtent en vue des élections, le modèle participatif du "système" Podemos s'impose déjà aux autres formations politiques, à gauche comme à droite.
"Dans la plupart des pays européens, la contestation populaire passe par l’extrême droite. En Espagne, c’est par l’extrême gauche", résume un analyste.
Katharina Kubicek/boi