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"Bachar al-Assad et Daesh sont les deux faces du même monstre"

Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po, à Paris. [RTS]
Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris / L'invité de la rédaction / 23 min. / le 6 mars 2015
Invité vendredi de la RTS pour aborder le conflit en Syrie, l'historien français Jean-Pierre Filiu évoque les intérêts qui unissent le gouvernement de Damas et le groupe Etat islamique.

Alors que la guerre civile perdure depuis bientôt quatre ans en Syrie, le professeur français Jean-Pierre Filiu, spécialiste de l'islam contemporain, déclare avoir "sous-estimé la barbarie du gouvernement Assad". Il pointe notamment du doigt l'absence de frappes du régime contre le groupe Etat islamique depuis le début du conflit qui a fait près de 200'000 morts et des millions de déplacés.

"Il faut savoir que les djihadistes n'ont jamais pris le moindre territoire à Assad, ils ne l'ont pris qu'à la révolution. Donc on voit bien qu'il y a un intérêt commun, pour ne pas dire plus, entre Assad et Baghdadi (ndlr. le chef du groupe Etat islamique)", souligne-t-il. "Assad et Daesh sont les deux faces du même monstre", selon lui.

"L'aveuglement et la lâcheté" de l'Occident

Concernant l'intervention de l'Occident dans ce conflit, Jean-Pierre Filiu déclare avoir "sous-estimé la lâcheté de nos gouvernements". "Après le carnage chimique de Damas, ils ont laissé ce crime contre l'humanité sans aucune réaction, ce qui a à la fois renforcé Assad, mais aussi renforcé les djihadistes".

Le professeur souligne aussi la nature "intraitable" du gouvernement Assad, qu'il faut parvenir à "neutraliser". Il évoque notamment l'importance d'armer les révolutionnaires syriens. "Mais il ne faut pas intervenir directement. Aujourd'hui, les bombardements menés en Syrie renforcent les djihadistes", explique-t-il.

Un dialogue impossible

Bachar al-Assad sait parfaitement jouer des médiocrités occidentales, relève Jean-Pierre Filiu. "Si on veut devenir célèbre, qu'on a des moyens et une intelligence limités, on va voir Assad", ironise-t-il.

Et d'ajouter, "Je sais comment le régime fonctionne et je sais que cela ne sert absolument à rien de lui parler. On peut perdre encore plus d'années, mais on ne fera qu'aggraver, prolonger la tragédie".

Cela ne sert absolument à rien de lui parlerJean-Pierre Filiu, à propos de Bachar al-Assad

Assad soutenu "à bout de bras"

Évoquant le pouvoir du président syrien, Jean-Pierre Filiu précise que Bachar al-Assad ne contrôle qu'une partie du territoire. "Qu'est-ce que cela veut dire, se maintenir au pouvoir, quand on ne contrôle qu'une partie du territoire, qu'on a brûlé le reste et qu'on a laissé s'implanter les djihadistes?"

La Russie et l'Iran sont les soutiens indéfectibles de Damas. "Le régime de Bachar al-Assad, s'il était seul, serait tombé depuis longtemps. Il est soutenu a bout de bras par un véritable pont aérien russe. Il est alimenté de manière ouverte par la rampe pétrolière russe et iranienne. Et sur le terrain, ce sont les miliciens chiites du Hezbollah libanais, encadrés par l'armée iranienne, qui mènent les combats. Ce n'est pas l'armée syrienne qui se bat", ajoute-t-il.

>> Focus sur la stratégie des Etats-Unis en Syrie :

Les premières frappes américaines sur la Syrie. [EPA]EPA
Revers cinglant pour la stratégie américaine en Syrie / Audio de l'info / 2 min. / le 6 mars 2015

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Davantage de soutiens d'Assad sanctionnés

L'Union européenne a élargi vendredi la liste des partisans du président Bachar al Assad qui font l'objet de sanctions ciblées.

Sept personnes et six organisations supplémentaires ont été ajoutées à la liste qui compte désormais 218 personnalités et 69 entités.