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"L'Iran est un acteur incontournable dans la lutte contre l'Etat islamique"

Ardavan Amir-Aslani. [CC-BY-SA - Persepolis24]
Ardavan Amir-Aslani, avocat franco-iranien et spécialiste du Moyen-Orient / L'invité de la rédaction / 23 min. / le 14 juillet 2015
Invité du journal du matin de la RTS, l'avocat franco-iranien Ardavan Amir-Aslani, spécialiste du Moyen-Orient et auteur de "Iran - Etats-Unis, les amis de demain", explique comment l'accord sur le nucléaire iranien va redéfinir les alliances géostratégiques dans la région.

"La question du nucléaire iranien ne se borne pas uniquement au nucléaire iranien. On parle d’un enjeu régional beaucoup plus important" explique Ardavan Amir-Aslani. Dans son observation du Moyen-Orient, il voit "l'irruption volcanique" d'un Etat islamique (EI) qui met l’Irak et la Syrie à feu et à sang; il voit l’Arabie saoudite qui bombarde tous les jours le Yémen, faisant quotidiennement 50 morts, majoritairement des civils, et détruisant les centres culturels du pays. Selon lui, l'Occident a désormais besoin de l'Iran.

Acteur incontournable dans la lutte contre l'EI

L'idée était présente dans l’esprit de l’ensemble des négociateurs, estime le spécialiste: les Américain comptent sur le soutien de l’Iran dans son combat contre l’EI. "Je pense que dans les mois qui vont suivre la signature de l’accord, les Américains, dont les intérêts sont représenté actuellement par la Suisse, vont envoyer des diplomates en Iran."

Iraniens et Américains n’ont d’ailleurs pas le choix, estime le spécialiste. Côté iranien, leurs frontières et celles de leurs alliés chiites irakiens sont menacées par l’EI. Côté Américains, un an de bombardement n’a pas réussi à les arrêter. Le seul résultat concret où des villes ont été reprises à l’EI l’ont été grâce à l’aide que les Iraniens ont apporté à leurs alliés, à l'instar de Tikrīt. Les troupes au sol sont donc nécessaires, selon l'avocat. "Les Américains et le monde occidental est convaincu que ça passera par l’Iran et ses alliés."

Un marché émergent

Si les Républicains au Congrès des Etats-Unis se sont montrés hostiles à un tel accord, les entreprises américaines et l'économie en général devraient suffire à convaincre l'ensemble du Congrès du contraire, avance Ardavan Amir-Aslani. Car l’Iran est le dernier marché émergent "non encore émergé". "Le retour de l’Iran dans le système économique international, de par son ampleur, représente l’équivalent de la réintégration de l’ensemble des pays de l’est européen après la chute du mur de Berlin. Le marché est de taille."

Sans oublier, rajoute le spécialiste, qu'après l’accord, 150 milliards de dollars d’avoir gelés dans le monde seraient libérés. "Imaginez à quel point les américains aimeraient avoir leur part. Eux-mêmes vont exercer des pressions sur le Congrès pour que l’accord soit approuvé!" lance l'avocat.

Enjeu géostratégique majeur pour l'Europe

Aujourd'hui, dans le combat qui nous oppose à la Russie, l’Ukraine est obligée d’importer le gaz russe à travers la Pologne, qui elle-même l’importe à travers l’Allemagne. "L’Iran possède la réserve gazière la plus importante au monde. Il serait la réponse au besoin d’indépendance et de souveraineté énergétique de l’Europe face à la Russie."

Craintes des pétromonarchies du Golfe

L’Iran est "le géant de la région", assure l'expert, se basant que la grandeur historique du pays vieux de 3000 ans. "Tous les autres pays qui l'entourent n’existaient pas il y a un siècle. Les pétromonarchies arabes du Golfe persique aujourd'hui vivent dans la crainte du retour de l’Iran, de l’alliance de l’Iran et de l’occident, qui va les remettre là où ils étaient dans les années 70, au niveau des pays de seconde classe".

Dans les 6 mois qui vont suivre la levée des sanctions, l’Iran va mettre un million de barils supplémentaires sur le marché, selon des estimations. Fin 2016, le baril pourrait donc coûter moins de 30 dollars. "Les Saoudiens, vont déjà connaître un déficit budgétaire de 20% avec un baril à 50 dollars. Ils imaginent la situation demain et vivent dans la crainte".

"Les iraniens ne sont pas des terroristes"

"Les Américains ont compris que le conflit de civilisation qui oppose l’Occident à l’Islam ne l’oppose pas à l’Islam dans sa totalité, mais oppose l’Occident à une certaine forme de l’Islam, personnifiés par l’Arabie saoudite et par l’idéologie de ce pays", affirme Ardavan Amir-Aslani. Il ajoute que lorsque les tours ont été anéanties, les terroristes n’était pas des iraniens, ni même des musulmans chiites, mais exclusivement des Saoudiens et des membres des pétromonarchies arabes et du Golfe persique.

"Aujourd’hui, tous les attentats sans aucune exception sont perpétrés par des sunnites marqués par l’idéologie salafiste wahhabite. Le basculement des alliances vers l'Iran en sera la conséquence", estime l'avocat.

Face à Israël dans l'échiquier des alliances

Alors qu'Israël s'est farouchement opposée à tout accord sur le nucléaire, Ardavan Amir-Aslani pense que ces craintes ne sont pas liées au possible développement de l’arme nucléaire: "Israël va devoir vivre avec un pays qui aura un niveau scientifique aussi élevé, qui aura un espoir de développement et de croissance économique très important".

Selon lui, 70% des 80 millions d’Iraniens ont moins de 40 ans. Ce sont des gens très éduqués et très connectés à Internet. L'Etat hébreux devrait ainsi composer avec un pays capable de faire balancer l’échiquier des alliances dans la région: "Le retour de l’Iran va enlever à Israël le monopole de puissance dominante dans la région."

fme

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