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"L'Erythrée n'a rien à voir avec la Corée du Nord"

Un camp de réfugiés à Asmara, en Erythrée. [AFP - Roger Viollet]
Un journaliste de retour d'Erythrée témoigne de la situation interne du pays / Tout un monde / 7 min. / le 8 septembre 2015
Johannes Dietrich, un journaliste allemand, a pu se rendre en Erythrée cet été. Dans l'émission Tout un monde, il raconte son voyage, le service militaire obligatoire et la position du gouvernement érythréen.

Depuis dix ans, Johannes Dietrich, journaliste basé en Afrique du Sud, essaie d'obtenir un visa pour l'Erythrée pour percer le mystère de ce pays très peu accessible et décrié pour des violations massives des droits de l'homme.

Le feu vert arrive par miracle en juin dernier. Il part donc à Asmara, la capitale érythréenne.

A son arrivée, il s'avoue surpris par le pays: "Je dois dire que lorsque je suis arrivé, j'étais très surpris par la différence entre les rapports de l'ONU ou les articles de presse et ce que j'ai vu", raconte le journaliste. "Par exemple, il y a cette expression de "Corée du Nord de l'Afrique". C'est complètement incorrect. La comparaison est absolument fausse. Ca n'a rien à voir avec la Corée du Nord. Il s'agit d'une société beaucoup plus ouverte, sans défilés de masse ou ce genre de choses par exemple."

L'Erythrée n'a rien à voir avec la Corée du Nord. C'est une société beaucoup plus ouverte.

Johannes Dietrich, journaliste allemand de retour d'Erythrée

Le service militaire obligatoire pèse sur la population

Johannes Dietrich a pu voyager dans le pays sans surveillance rapprochée. Et il a pu aborder avec des gens la question du service militaire obligatoire, qui enrôle en masse et de forces les jeunes hommes et femmes du pays, contraints de servir l'armée parfois jusqu'à l'âge de 50 ans ou plus.

"La conscription militaire obligatoire est horrible pour les gens", souligne-t-il. "Ils doivent travailler pendant des années pour trois fois rien. Ils ne travaillent pas nécessairement dans l'armée elle-même. Ils peuvent être enseignants ou autre. Ils sont en fait mobilisés par le gouvernement comme travailleurs bon marché."

Une fuite de la jeunesse qui serait causée par un asile favorable en Europe

Johannes Dietrich a pu rencontrer le chef du parti au pouvoir à Asmara. Pour ce dernier, la fuite de la jeunesse érythréenne est liée à la facilité d'accueil. Tout Erythréen qui en ferait la demande aurait droit à l'asile.

Le journaliste ne nie pas le problème de la fuite vers l'Europe:"Quiconque a pour perspective de rester dans l'armée pour le reste de sa vie et a une relation quasiment d'esclavage avec son gouvernement a le droit de quitter le pays, en tout cas je le comprends."

Ils savent que s'ils partent, c'est juste l'enfer.

Johannes Dietrich, journaliste allemand de retour d'Erythrée

Pourtant, Johannes Dietrich nuance aussi ces départs vers l'Europe: "D'un autre côté, il y a des gens qui restent. J'ai rencontré des personnes magnifiques, brillantes, qui essaient de réussir dans la vie, et qui ne veulent pas partir. Ils savent que s'ils partent, c'est juste l'enfer. Ils doivent traverser le désert. ils sont soumis à l'extorsion, certains sont tués, ils doivent ensuite franchir la Méditerranée et risquent le naufrage. Ça, ils le savent!"

Alexandre Habay/ebz

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"Je ne suis pas le seul à être surpris par la couverture négative de l'Erythrée"

Interrogé sur d'éventuelles manipulations du régime érythréen à son égard, Johannes Dietrich indique qu'il n'a pas pu vérifier notamment la présence de prisons secrètes du régime qui sont signalées par l'opposition en exil.

"Je reçois beaucoup de critiques sur mes articles où l'on m'accuse d'être le relais de la propagande du gouvernement qui m'aurait menti droit dans les yeux... Et il m'arrive de me poser la question: «suis-je vraiment si naïf? Est-ce que je suis tombé dans un piège?»", se demande le journaliste.

Il souligne pourtant qu'il n'est pas le seul dans ce cas: "Je ne suis pas le seul à être surpris par la couverture négative de l'Erythrée. Il y a des diplomates occidentaux et même le CICR à Asmara. Ils sont assez surpris de la perception erronée de l'Erythrée".