"Je suis perplexe par rapport à cette enquête", car l'objectif de Paris est en premier lieu d'avoir "un certain rôle dans le dossier syrien", estime vendredi Dick Marty dans le Journal du matin de la RTS. Et d'évoquer le "complexe du petit laissé dans un coin qui essaie de trouver une position".
L'ancien procureur tessinois se montre très critique quant à l'attitude de François Hollande dans ce dossier, parlant de "navrante médiocrité". Il se dit dérangé par le double langage de Paris, qui vend des avions à l'Arabie saoudite et au Qatar, deux régimes où les droits fondamentaux sont violés, tout en voulant intervenir en Syrie.
François Hollande est d'une navrante médiocrité
Pas un seul coupable
Dick Marty n'est toutefois pas complètement opposé à l'idée d'une enquête pénale, mais celle-ci doit être lancée à propos des événements en Syrie dans leur globalité, faute de quoi elle ne serait pas très objective. Il ne faut pas se concentrer sur un seul coupable, Bachar al-Assad, car il n'est pas le seul responsable des crimes qui ont été commis, ajoute-t-il. "C'est certainement un dictateur, mais c'est un acteur de la scène syrienne."
Pour l'ancien sénateur tessinois, il faut au contraire récolter des informations et des preuves sur tous les acteurs en Syrie. Et si Bachar al-Assad ne doit pas rester impuni, il faut se concentrer sur une "transition contrôlée", contrairement à ce qui s'est passé en Irak ou en Libye, des pays où un grand nombre de personnes vivaient correctement avant l'intervention, contrairement à aujourd'hui.
On ne peut pas tout résoudre avec des bombes
Dick Marty estime enfin que si la justice devra intervenir, il faut avant cela se préoccuper des femmes et des enfants victimes des bombes sur place. Certainement avec une intervention terrestre pour protéger la population. "Car on ne peut pas tout résoudre avec des bombes", conclut-il.
boi
Une enquête ouverte mi-septembre
Le parquet de Paris a ouvert le 15 septembre une enquête préliminaire pour "crimes contre l'humanité" contre le régime de Bachar al-Assad.
"Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette bureaucratie de l'horreur, face à cette négation des valeurs d'humanité, il est de notre responsabilité d'agir contre l'impunité de ces assassins, a affirmé le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.
L'enquête se base notamment sur le témoignage de "César", un ex-photographe de la police militaire syrienne qui s'était enfui de Syrie en juillet 2013, en emportant plus de 55'000 photographies effroyables de corps torturés.
Rencontre Hollande-Poutine vendredi
François Hollande reçoit vendredi à Paris son homologue russe Vladimir Poutine pour discuter du conflit syrien, sur fond de polémique sur les cibles de l'aviation russe, qui a mené jeudi de nouvelles frappes en Syrie.
Tandis que militaires russes et américains tentaient de se coordonner pour éviter un incident dans l'espace aérien de ce pays en guerre, Moscou affirme viser le groupe djihadiste Etat islamique. Washington et ses alliés, dont Paris, soupçonnent au contraire la Russie de voler au secours de son allié Assad sous couvert de combattre le "terrorisme".
La dernière critique en date est venue de François Hollande jeudi. "C'est Daech qu'il faut viser et pas d'autres" en Syrie, a réclamé le président français.