Sur sept attentats récents qui ont marqué les esprits, la Belgique est impliquée à cinq reprises, "souvent sous la forme d'achats d'armes", avait écrit l'ancien sénateur Belge Alain Destexhe, en août 2015, sur le site lefigaro.fr. (voir l'encadré ci-dessous)
En voilà un de plus. Trois des auteurs présumés des attentats de Paris étaient des Français nés en Belgique. Et c'est dans la commune de Molenbeek-Saint-Jean, dans l'agglomération de Bruxelles, qu'ils auraient préparé leur coup.
>> Lire aussi : Ce que l'on sait des assaillants des attentats de Paris
Près de 500 Belges partis au djihad
Au moins 500 jeunes Belges sont partis faire le djihad en Syrie, soit presque autant que le Royaume-Uni et l'Allemagne. En nombre absolu, c'est le 4e fournisseur en Europe. Mais en proportion à la population totale du pays, la Belgique pointe en tête, avec 40 djihadistes pour un million d'habitants, selon les chiffres de l'International Centre for the Study of Radicalisation rapportés par Les Echos.
Le 23 octobre dernier, le gouvernement belge avait décidé de répartir un million d'euros pour la lutte contre le radicalisme dans une dizaine de communes, dont 150'000 euros pour la seule commune de Molenbeek.
Cocktail explosif à Molenbeek
Le spécialiste du monde arabe Mathieu Guidère explique ce vivier du terrorisme par un "cocktail explosif: une forte immigration, une forte exclusion, beaucoup de chômage, très peu d'intégration et l'infiltration de religieux radicaux."
Molenbeek-Saint-Jean, à l'ouest de Bruxelles, est en effet l'une des communes les plus pauvres de Belgique et la plus densément peuplée de la région, avec près de 100'000 habitants concentrés sur moins de 6 km2. Comme l'explique notre correspondante à Bruxelles, Isabelle Ory:
La ghettoïsation pointée du doigt
Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère français de la défense, a mis en cause sur nos ondes radio, le communautarisme en Belgique comme système institutionnalisé. Selon lui, ces systèmes engendrent plus de djihadistes que les autres.
La Grande-Bretagne a fourni beaucoup plus de djihadistes, quand on la compare à sa population musulmane, que la France, avec son modèle laïque. "Lorsqu'on laisse s’installer des ghettos, on laisse s’installer des pratiques qui en font des viviers, ou des terreaux dans lesquels des gens, des salafistes, en particulier, se sentent totalement à l’aise."
"On a raté un tournant"
Au micro de la RTS, la bourgmestre de la commune de Molenbeek-Saint-Jean, Françoise Schepmans, a reconnu dimanche une certaine négligence dans la politique d'intégration: "Il y a eu des afflux très importants de migrants et pendant des années, on ne s’est pas posé la question de savoir comment accueillir ces personnes, ou comment faire en sorte qu'elles puissent participer à cette société d’accueil. On a raté un tournant important dans ce phénomène."
Sur le site 20minutes.fr, la bourgmestre appelle toutefois à la mesure, en rappelant que de nombreux terroristes passés par Molenbeek étaient français.
Menace "enfin" prise au sérieux
"L'univers salafiste est particulièrement bien organisé à Bruxelles avec des mosquées, des centres de formation et des librairies, où se développe un discours peu compatible avec les valeurs européennes", écrivait l'ancien sénateur Belge Alain Destexhe sur le site du Figaro. "Trop longtemps, au nom de la liberté religieuse, les autorités belges ont laissé des groupes radicaux se développer. Il a fallu d'abord l'attentat contre le musée juif de Bruxelles, puis - surtout - celui contre Charlie Hebdo pour que la menace soit, enfin, prise au sérieux."
Autre problème, relevé par notre correspondante à Bruxelles Isabelle Ory: à côté des mosquées officielles reconnues, il existe des dizaines de mosquées illégales, qui rendent pratiquement impossible aux renseignements de toutes les surveiller. D'autant que beaucoup d'imams ne parlent aucune des langues nationales.
Feriel Mestiri
Les attentats et Molenbeek-Saint-Jean
Depuis le début de ce siècle, le nombre d'attaques impliquant des auteurs liés à Molenbeek est évocateur:
>> 2001: les assassins du commandant Massoud, principal adversaire afghan des Talibans, sont partis de Molenbeek. L'un d'eux, un Tunisien, vivait en Belgique depuis 1987, avant de partir en 2000 pour suivre un entraînement à Jalalabad. Sur ordre d'Oussama Ben Laden, les deux hommes se sont fait passer pour des journalistes, afin d'approcher le commandant Massoud et le tuer, deux jours avant le 11 septembre.
>> 2004: selon le parquet belge, le cerveau des attentats de Madrid, qui a fait 191 morts, est un Marocain qui a séjourné en Belgique, à Molenbeek, "à une date indéterminée entre le 1er janvier 1997 et le 20 mars 2004".
>> 2014: l'auteur de la tuerie du musée juifs de Bruxelles, un Français d'origine algérienne, avait loué une chambre pour les mois d'avril et mai dans le centre de Molenbeek-Saint-Jean, avant de passer à l'acte, tuant 4 personnes.
>> Janvier 2015: l'enquête entourant le tueur de l'Hyper Cacher, le 9 janvier dernier, a mené à Molenbeek, où Amedy C. s'était armé.
>> Janvier 2015: le cerveau de la cellule de Verviers venait également de cette commune. Cette cellule djihadiste, démantelée le 30 janvier en Belgique, s'apprêtait à attaquer des policiers et des commissariats, quelques jours après les attentats contre Charlie Hebdo.
>> Août 2015: l'auteur de l'attaque du train Thalys Bruxelles-Paris fréquentait très régulièrement une mosquée non reconnue par les autorités dans la commune de Molenbeek, à 200 mètres de la maison de sa soeur.