Quand il y a du terrorisme, la réponse consiste toujours à donner le primat au pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Une mesure classique, pour laquelle "les responsables d'Etat n'ont pas d'autre choix", juge Michel Wieviorka, l'invité du Journal du Matin.
En France, la Constitution donne au pouvoir exécutif la capacité de prendre certaines décisions qui, dans d’autres démocraties, ne peuvent être prises qu'après avoir consulté le Parlement. C'est le cas notamment de l'état d’urgence, décrétée vendredi par le président français François Hollande.
Risques d'injustices
Pour le sociologue, de restreindre les libertés est très dangereux et risque d’être inefficace. Cela pose surtout une grave question: "Comment va-t-on agir vis-à-vis des personnes qui n’ont rien fait pour l’instant, mais dont on soupçonne qu'elles sont capables de passer à l’acte? Doit-on les enfermer? Ou doit-on laisser courir ce risque à la société?" s'interroge Michel Wieviorka.
Un vrai débat auquel le sociologue n'apporte pas de réponse, mais qui voit dans la restriction des libertés individuelles le risque de commettre d'énormes injustices. "En France la menace est grande de stigmatiser une partie de la population, les musulmans, et non pas seulement les suspects."
Perdre de l'Etat de droit
Pour le sociologue, il n'y a pas de bonne solution. "On ne peut pas éradiquer le terrorisme sans perdre un peu de l’Etat de droit", estime-t-il. Mais le plus terrible selon lui, est le fait que les terroristes en France comme en Belgique ont été "fabriqués par nos sociétés, à l'intérieur de nos frontières. Ce sont des processus qui durent des années, et un beau jour, les bombes éclatent, les coups de feu claquent et en un instant, tous les problèmes qui ont mis des années à se mettre en place, jaillissent."
Face à l'éclatement, une réaction doit se faire sur deux temps, juge le sociologue. D'abord, il faut évidemment agir dans l’immédiat, en mobilisant la police, en mettant en place un système de surveillance, avec des risques de mettre en causes certaines libertés. Mais il faut en parallèle agir sur le long terme, en se posant des questions simples, sur l’emploi, la crise des banlieues, l’immigration, la place de la religion dans la société française, la laïcité ou l’islam.
fme