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Le Kosovo, "un pays où la désillusion générale s'est installée"

Un groupe de kosovars essaie de franchir la frontière entre la Hongrie et la Serbie en février 2015. [EPA - Andrej Cukic]
L'émigration massive, symptôme du dysfonctionnement au Kosovo / Le Journal du matin / 6 min. / le 11 décembre 2015
Alors que le Kosovo vit une vague d'émigration massive, la RTS s'est rendue sur place pour recueillir des témoignages d'habitants expliquant les difficultés de vivre dans ce pays.

Grande corruption et crime organisé, mais aussi les pratiques du quotidien: bakchich, services dus et rendus, népotisme, piston politique ou clanique... Beaucoup d'habitants du Kosovo estiment qu'il n'est plus possible de vivre dans ce pays, frappé par une vague massive d'émigration.

Avec un chômage touchant 60% des jeunes, trouver un emploi relève de l’exploit. Un petit commerçant de Vushtrri - localité au nord de Pristina particulièrement concernée par la vague d'émigration de l'hiver dernier - explique à la RTS que les jeunes ne trouvent un travail "uniquement s'ils connaissent quelqu'un d'un parti politique. Et l'image d'un politicien est perçue comme l'image d'un âne. Ils sont synonymes de tous les maux! Moi-même, comme les jeunes, je ne suis plus intéressé à la politique", ajoute-t-il.

"Les Kosovars de l'étranger sont prêts à investir"

Dans ces conditions, d'où proviennent les investisseurs? La réponse se trouve notamment du côté de l'immense diaspora kosovare. A l'image de Hilmi Asllani, 48 ans, qui a passé 18 ans de sa vie entre Berne et Zurich. En 2006, il retourne au pays et se consacre à Botech, une entreprise spécialisée dans les technologies de l'information.

Rencontré dans un bar branché de Pristina, il explique avoir réussi, mais non sans difficultés en raison d'un marché public sous influence. Ainsi, lorsqu'il répond à une offre publique de l'Etat kosovar, il estime d'office que le concours est biaisé, car la loi des relations politiques ou claniques prime, ce qui peut décourager les meilleures volontés.

"Les Kosovars de l'étranger - et notamment de Suisse - ont beaucoup d'idées et aimeraient venir investir ici", juge Hilmi Asllani. "La plupart ont déjà commencé en construisant des maisons ou en achetant des terrains. Ils sont donc déjà ici. Mais pour davantage d'investissements, il faut des meilleures conditions. Tous les articles de loi sont là. On a l'habitude de se battre durement et souvent on gagne. Mais ça demande beaucoup d'engagement et d'énergie".

Difficultés pour obtenir un visa

Beaucoup de gens estiment que les lois sont bonnes au Kosovo, car elles sont calquées sur la législation européenne. Pourtant, ça ne fonctionne pas. Le Kosovo paraît ainsi comme un Etat parfait sur papier; mais dans les faits encore très loin de ses buts.

Du coup, le Kosovo est un pays où la désillusion générale s'est installée, selon le journaliste d'investigation Muhamet Hajrullahu: "Les gens pensent que ces politiciens sont corrompus. Si après la guerre, vous n'avez plus rien, comme moi, et que du jour au lendemain vous devenez millionnaire et montrez vos maisons et vos voitures... C'est l'une des raisons qui poussent les gens à quitter le Kosovo. Ils ne voient pas d'espoir pour eux d'amélioration dans le futur."

>> Le Kosovo souffre d'une crise économique, politique et institutionnelle :

Séance du parlement kosovar à Pristina. [AP/Keystone - Visar Kryeziu]AP/Keystone - Visar Kryeziu
Le Kosovo souffre d’une crise économique, politique et institutionnelle / Le Journal du matin / 2 min. / le 11 décembre 2015

Fortement touché par l'émigration - le plus souvent illégale - le pays a ainsi connu un exode de plus de 100'000 personnes en 2015, voire 150'000 selon d'autres sources. Des départs massifs qui ont vidé parfois des villages entiers. L’accès à l'émigration légale elle, est rendue très difficile par une politique sévère de visas imposée par les Etats européens. Pour les Kosovars, leur pays est ainsi le plus isolé d’Europe.

Alexandre Habay/jzim

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Regards croisés de Kosovars installés en Suisse

Alors que Bekim Ramsa et son fils Blerim, propriétaires d'un petit garage et d'une compagnie de taxis à La Chaux-de-Fonds, naturalisés et enracinés en Suisse, ne voient plus d'avenir au Kosovo, Mehmet Ramusa, restaurateur à Prilly, veut y croire. Il se dit même prêt à investir au Kosovo.

Interview de Shpend Ahmeti, maire de Pristina

Le maire de Pristina, Shpend Ahmeti, est parfois considéré comme le "Monsieur Propre" de la politique kosovare. Il prône l'action face à la corruption qui mine l'ancienne province serbe devenue indépendante en 2008. Il critique l'action de l'Union européenne dans ce pays et plaide pour une fusion du Kosovo avec l'Albanie voisine.