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Le revenu de base inconditionnel, une idée portée ailleurs en Europe

Le peuple suisse devra voter pour ou contre le revenu universel
Le peuple suisse devra voter pour ou contre le revenu universel / 19h30 / 4 min. / le 15 décembre 2015
L'idée d'un revenu de base inconditionnel, soutenue en Suisse par un petit groupe d'initiants, essaime aussi chez nos voisins. Elle pourrait se concrétiser à court terme en Finlande et aux Pays-Bas.

Le Conseil fédéral et le Conseil national ont recommandé le rejet de l'initiative populaire "Pour un revenu de base inconditionnel". Le Conseil des Etats doit se prononcer lors de la session parlementaire en cours.

Les initiants souhaitent l'instauration d'un revenu de base distribué sans conditions, indépendamment de l'emploi ou du statut social, et évoquent la somme mensuelle de 2500 francs par adulte. Le projet, sur lequel le peuple suisse se prononcera en 2016, est unanimement rejeté par les élus de droite et divise ceux de gauche (voir encadré).

>> Lire : Une initiative propose de verser 2500 francs mensuels à chaque citoyen

L'idée "fait son chemin"

Les défenseurs européens du revenu de base inconditionnel veulent pourtant voir dans l'existence même d'une telle initiative le signe que l'idée "fait son chemin".

"En Suisse, l’idée germe lentement mais sûrement", écrit ainsi le site militant français revenudebase.info. Il estime notamment que le débat au Conseil national a permis de faire évoluer "sensiblement" le vote des parlementaires.

Et de citer Enno Schimdt, co-auteur de l’initiative et réalisateur du film "Le revenu de base, une impulsion culturelle". "Nous ne nous attendons pas à ce que la majorité des Suisses soit en faveur de l’instauration d’un revenu de base. Même si le non l’emporte, ce sera déjà une étape de franchie car cela aura eu un impact dans notre société."

800 euros par mois en Finlande

De fait, l'idée est portée ailleurs en Europe. La Finlande a annoncé la semaine dernière qu'elle projetait de tester une allocation mensuelle universelle en 2017. Des experts sont désormais chargés d'étudier les possibilités de mise en oeuvre. Ils devront remettre leurs conclusions courant 2016.

Le directeur de la recherche de la caisse Kela, Olli Kangas, a déclaré en octobre qu'"un revenu de base global remplacerait d'autres prestations et il faudrait donc qu'il soit plutôt consistant, aux environs de 800 euros (866 francs, ndlr) par mois". Il faut toutefois noter que cette somme ne permet de vivre que très modestement en Finlande.

Traditionnellement défendue par la gauche, l'idée figurait aussi dans le programme du centriste Juha Sipilä, vainqueur des législatives en avril. Elle est également soutenue par une bonne partie de la classe politique. Le gouvernement, favorable à l'austérité, y voit pour sa part la possibilité de parvenir à une protection sociale moins coûteuse pour l'Etat.

Des projets-pilote aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, quatre villes ont décidé d'expérimenter le revenu de base universel : Utrecht, Tilburg, Groningen et Wageningen. Au total, une trentaine de villes néerlandaises se sont penchées sur la faisabilité d'une telle initiative.

Utrecht, la 4e ville du pays, espère lancer son projet-pilote en janvier 2016. Le test sera limité à 300 bénéficiaires des minima sociaux. Les membres du groupe recevront chaque mois entre 900 euros (pour un adulte) et 1300 euros (pour une famille). Parmi eux, une cinquantaine toucheront un revenu sans aucune condition et indépendamment de l'évolution de leur situation, a expliqué un porte-parole de la municipalité au site Quartz.

Bien qu'ils soutiennent le projet, les défenseurs du revenu universel tempèrent : "ces expérimentations ne correspondent pas exactement au revenu de base, mais vont dans cette direction", a expliqué l'économiste néerlandais Sjir Hoeijmakers au Basic Income Earth Network.

Revenudebase.info rappelle pour sa part que ces projets sont actuellement considérés comme illégaux selon la législation néerlandaise, et ajoute que "comme en Finlande, l’accent est mis sur les économies liées à la gestion administrative de la protection sociale  (...) [ce qui] peut impliquer des dérives importantes."

Le Parlement islandais planche sur la question

En octobre 2014, trois députés du Parti pirate islandais ont soumis une résolution parlementaire demandant au ministère des Affaires sociales de lancer un groupe de travail sur le sujet. Le texte propose "d’identifier les moyens d’assurer à tous les citoyens du pays un soutien inconditionnel au revenu, avec pour but (...) d’éradiquer la pauvreté."  Les conclusions du groupe de travail devaient être rendues publiques "à l’automne 2015" mais n'ont à ce jour pas été communiquées.

Dans le même ordre d'idée, la région d'Aquitaine a voté une motion unique en France: l'objectif est de verser automatiquement le Revenu de solidarité active (RSA) - une prestation sociale destinée aux personnes sans ressources - à tous ceux qui y ont droit. Ainsi, tous ceux qui ont aujourd'hui droit au RSA, mais ne le demandent pas toujours, le recevraient sans effectuer aucune démarche.

Pauline Turuban

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Egalement en Amérique du Nord

Une expérimentation menée au Canada entre 1974 à 1979 est souvent invoquée par les défenseurs du revenu de base. Baptisé MINCOME, le programme garantissait un revenu de base à chaque habitant de la petite ville de Dauphin, dans la province du Manitoba.

Selon Evelyn L. Forget, économiste à l'Université du Manitoba et auteure d'un livre sur le sujet, le programme MINCOME a contribué à réduire le niveau de pauvreté de la ville. Le nombre d'heures travaillées a chuté, admet-elle, mais au profit d'études et de congés maternité plus longs. Selon l'économiste, il y a aussi eu moins d'hospitalisations et de problèmes liés à la santé psychique.

Un "fonds permanent" de plus en plus décrié en Alaska

Depuis 1982, les habitants de l'Etat d'Alaska reçoivent le "Permanent Fund Dividend" (PFD, "dividende du Fonds permanent"). Il s'agit d'une participation aux rentes pétrolière du territoire. Son montant, qui varie chaque année, s'est élevé à 2000 dollars par habitant cette année, un record.

Ce revenu universel est toutefois menacé par la baisse conjointe de la production pétrolière et des cours du pétrole.

Les détracteurs jugent le revenu de base risqué pour l'économie

En Suisse, l'initiative pour un revenu de base a reçu peu de soutien politique. Le Conseil fédéral estime qu'un revenu de base de 2500 francs ne suffirait pas à assurer une situation décente à tous les ménages et ne permettrait donc pas de se passer des modèles d'assurance et d'aide sociales.

Les élus du National, de tous bords politiques, sont aussi nombreux à dénoncer le coût de la mesure: 153 milliards de francs, alors que la suppression de l'aide sociale permettrait de libérer à peine un tiers de cette somme -le reste devrait être couvert par les impôts.

La droite dénonce surtout une utopie qui "nie la valeur du travail". Même la gauche se montre réservée. Les Verts craignent notamment que les entreprises baissent massivement les salaires. Les socialistes, s'ils partagent les finalités de l'initiative, ne veulent quant à eux pas mettre en danger tout le système social actuel.