Il s'agit d'un voyage qui fait couler beaucoup d'encre: celui de la petite demi-douzaine de parlementaires suisses qui s'est rendue – ou qui sont encore - en Erythrée dans le but de se faire une image objective de ce pays, duquel sont originaires un des plus importants contingents de réfugiés politiques en Suisse.
Or les critiques sont vives. Le régime autoritaire d'Asmara est derrière ce voyage, tandis que les Erythréens de Suisse, mais aussi plusieurs élus de gauche, estiment que ces parlementaires se font manipuler, afin d'aider le régime en place à redorer son blason sur la scène internationale.
Parler librement au gens dans la capitale
Interrogé mercredi depuis Asmara dans le cadre de l'émission Forum, le conseiller national Claude Béglé (PDC/VD) a fait part de ses premières impressions: "C'est un pays qui a connu une dictature très dure et le système reste encore autoritaire, mais il est en train de s'ouvrir (...) Nous avons la possibilité de nous promener dans la capitale, de rencontrer des gens librement, sans ange-gardien qui nous écoute. Il y a aussi internet, la TV par satellite", décrit le Vaudois.
Mais plein d'endroits ne sont pas autorisés à la visite, confesse-t-il: "On sent que ce n'est pas du tout encore un pays démocratique, mais par rapport à ce que ça a été, il y a une tentative aujourd'hui d'assouplissement."
L'impression d'être à Cuba il y a quelques années
Le conseiller national reste malgré tout prudent dans son jugement, rappelant que la situation des droits de l'Homme mérite d'être "regardée de près". Mais il fait état du désir des autorités de montrer que le pays s'ouvre: "Bien sûr, il y a une volonté de ces gens de nous 'manipuler', mais ils ont quand même des choses à montrer qui sont vraies. On est tout de même toujours entre deux eaux."
"Je n'ai pas dit que tout était bleu ciel en matière de droits de l'Homme", image-t-il encore. "Il y a eu dans ce pays un système très dur et ce système est presque forcé d'évoluer, de se réformer (...) Quand je suis ici, j'ai l'impression d'être à Cuba il y a quelques années..."
L'ex-patron de La Poste rappelle toutefois qu'il n'est pas venu pour vérifier de ses yeux les violations des droits humains dans le pays, puisqu'il savait que ça ne serait pas possible. S'il a bien demandé à visiter un camp de détention, cette requête ne lui a pas été accordée. "Mais je suis venu pour apprécier une situation globale. Et ça, j'ai le sentiment que je suis en passe d'y parvenir", explique-t-il.
Des observateurs en Erythrée
Face à ce qu'il a constaté sur place, Claude Béglé estime que beaucoup d'Erythréens sont partis "un peu à cause de la situation des droits de l'Homme", mais surtout en quête d'un monde meilleur, "parce que il n'y a pas de perspectives locales".
"Il faut que ces gens-là puissent rentrer chez eux - sur base volontaire évidemment - mais qu'il y ait des observateurs occidentaux en Erythrée qui puissent s'assurer que ces gens-là n'aillent pas en prison", conclut le parlementaire... tout en insistant sur la nécessité que le CICR puisse y visiter les lieux de détention, et que le pays bénéficie de programmes de reconstruction économique.
jzim