"Nous devons agir face à la destruction et la mutilation de notre héritage commun", a affirmé Fatou Bensouda. Elle s'exprimait lors de l'ouverture à La Haye de l'audience dite de confirmation des charges, qui sert à déterminer si les preuves du procureur sont suffisantes pour mener à un procès.
Ces destructions ont constitué "une attaque contre une population entière et contre son identité culturelle", a-t-elle ajouté, soulignant que ces structures étaient importantes "pour le monde entier". "Une telle attaque ne peut rester impunie", a-t-elle dit.
"C'est la première fois que mon bureau retient un tel chef d'accusation portant sur la destruction de biens et bâtiments religieux et culturels", a ajouté Fatou Bensouda, invitant les juges à saisir cette chance de "lutter contre ce fléau qui est souvent le prélude aux pires exactions contre les populations".
"Des attaques contre le patrimoine culturel sont constantes. Malheureusement, il n'y a que trop d'exemples récents, comme dans les cités d'Alep et Palmyre, en Syrie", a-t-elle insisté.
Premier djihadiste écroué
Le suspect, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi, est le premier djihadiste écroué par la CPI. Selon l'accusation, il a été l'un des chefs d'Ansar Dine, un groupe islamiste radical associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Agé d'environ 40 ans, il s'est rendu responsable de crimes de guerre en ayant détruit neuf mausolées et une des plus importantes mosquées de la ville, Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 10 juillet 2012, affirme l'accusation.
Suspect attentif
Habillé d'un long vêtement traditionnel blanc, le suspect, pour qui les procédures sont traduites en arabe, a écouté la procureure de manière attentive, levant parfois un sourcil face à ses déclarations.
Il est également le premier suspect arrêté dans l'enquête de la Cour sur les violences de 2012-2013 au Mali et le premier poursuivi par la CPI pour destructions d'édifices religieux et monuments historiques.
La CPI avait ouvert en 2013 une enquête sur les exactions commises au Mali par les groupes djihadistes liés à Al-Qaïda. Ceux-ci avaient pris le contrôle du nord du pays en mars-avril 2012, après la déroute de l'armée face à une rébellion à dominante touareg.
agences/ebut/jgal
Mausolées détruits au nom de la lutte contre "l'idolâtrie"
Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg et inscrite au patrimoine mondial de l'humanité, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l'islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. La "cité des 333 saints" a connu son apogée au XVe siècle.
La destruction en 2012 de quatorze mausolées de saints musulmans par le groupe djihadiste malien Ansar Dine au nom de la lutte contre "l'idolâtrie" avait dès lors provoqué l'indignation à travers le monde.
L'Unesco a depuis restauré les 14 mausolées détruits à Tombouctou, qui se trouve à quelque 1000 kilomètres au nord-est de la capitale Bamako.