Les avocats du président turc Recep Tayyip Erdogan avaient déposé plainte en début de semaine après la lecture, le 31 mars dernier, par l'animateur Jan Böhmermann, d'un texte satirique à la télévision publique allemande taxant notamment le chef de l'Etat turc de zoophile et de pédophile.
Une satire volontairement injurieuse
Le comique avait expliqué à l'antenne savoir qu'il allait au-delà de ce que le droit allemand autorise dans le but de démontrer par l'absurde combien le pouvoir turc avait eu tort de s'attaquer à une chanson diffusée 15 jours plus tôt à la télévision allemande et critiquant la dérive autoritaire en Turquie.
Le monde de la culture et des médias allemands a apporté un large soutien au satiriste. Sa chaîne a aussi jugé jeudi que si son texte n'était pas du meilleur goût, il n'était pas "pénalement répréhensible".
Un délit passible de trois ans de prison
Côté pile, la chancelière Angela Merkel a elle-même annoncé vendredi après une semaine de tractations internes "son autorisation" pour que le parquet engage une procédure contre le satiriste Jan Böhmermann pour "insulte à un représentant d'un Etat étranger" (art. 103 du code pénal), délit passible de trois ans de prison et qualifié par certains de crime anachronique de "lèse-majesté".
Côté face, elle a immédiatement annoncé que "le gouvernement est d'avis qu'on peut se dispenser de l'article 103" et que sa suppression interviendra en 2018.
Semblant répondre aux critiques qu'on pourrait lui opposer, Angela Merkel a tenu à souligner que l'autorisation de recourir à l'article 103 ne signifiait pas que le comédien était coupable ni que les limites de la liberté d'expression avait été atteintes.
La chancelière a justifié la décision d'autoriser des poursuites en soulignant l'étroitesse des liens unissant l'Allemagne et la Turquie. Elle a également exhorté la Turquie à respecter la liberté d'expression, la liberté de la presse et la liberté de création.
Une décision incomprise
"Je considère que la décision est la mauvaise. Des poursuites pour crime de lèse-majesté n'ont pas leur place dans une démocratie moderne", a réagi sur Twitter le chef des députés du Parti social-démocrate (SPD) Thomas Opperman.
Plus tôt, le ministère allemand des Affaires étrangères s'était lui dit "sceptique" quant au recours au code pénal s'agissant des relations entre Etats.
Selon l'opposition, Angela Merkel a même sacrifié les valeurs de la démocratie pour préserver ses relations avec la Turquie, devenue le partenaire essentiel de l'Union européenne pour résoudre la crise migratoire en Europe.
La députée d'extrême-gauche Sahra Wagenknecht a ainsi dénoncé une décision "insupportable" estimant sur Twitter que "Merkel se soumet au despote turc Erdogan et sacrifie la liberté de la presse en Allemagne".
Reuters/afp/ctr