Michel Sapin a rendu un hommage appuyé à Antoine Deltour: "C'est grâce à lui que nous avons pu mettre fin à cette opacité qui empêchait les pays européens de connaître la situation fiscale exacte d'un certain nombre de grandes entreprises au Luxembourg", a-t-il rappelé.
Le procès des Luxleaks s'est ouvert mardi à Luxembourg, quelques semaines seulement après le scandale des Panama Papers.
Trois Français, dont un journaliste, ont comparu dans la matinée devant le tribunal correctionnel de Luxembourg, accusés d'avoir fait fuiter près de 30'000 pages éclairant les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-duché. Ils encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.
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Arrivé au tribunal sous les applaudissements et aux cris de "Merci Antoine, Merci Antoine!" lancés par une cinquantaine de manifestants, le lanceur d'alerte, Antoine Deltour, 31 ans, est accusé d'avoir organisé la fuite de ces documents fiscaux du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC), pour lequel il travaillait à Luxembourg.
Pendant cette première journée, il ne s'est pas exprimé, mais est apparu plutôt détendu, souriant devant les photographes à son arrivée.
Un journaliste inculpé
Antoine Deltour a confié des documents au journaliste Edouard Perrin, lui aussi poursuivi, qui a révélé le scandale en mai 2012 dans l'émission Cash Investigation sur la chaîne publique France 2.
Edouard Perrin, 45 ans, a lui été inculpé en avril 2015 notamment pour complicité de vol domestique, violation du secret professionnel et violation de secrets d'affaires. Il lui est ainsi reproché d'avoir manipulé un autre employé de PwC, Raphaël Halet, pour organiser une seconde fuite de documents.
Raphaël Halet, 40 ans, est le troisième Français inculpé. Comme Antoine Deltour, il est poursuivi pour vol domestique, divulgation de secrets d'affaires, violation de secret professionnel et blanchiment.
Leur ancien employeur, le cabinet d'audit PwC, est partie civile pour ce procès, qui doit durer jusqu'au 4 mai.
Des milliards d'impôts économisés
A la sortie de l'audience, l'avocat d'Antoine Deltour, William Bourdon, a estimé que "la première journée s'était bien passée. Progressivement le puzzle, le grand débat s'écrit sous nos yeux".
Le procès, qui a démarré dans une effervescence peu commune pour la "cité judiciaire" luxembourgeoise - le parvis où sont établis les tribunaux -, doit reprendre mercredi à 15h00 avec l'audition du policier qui a conduit l'enquête.
Si les récents "Panama Papers" ont mis au jour des montages complexes de sociétés pour dissimuler des avoirs, le scandale des "LuxLeaks" a lui dévoilé les pratiques fiscales de firmes comme Apple, Ikea et Pepsi pour économiser des milliards de dollars d'impôts.
afp/fme
Plus de 350 sociétés concernées par le scandale
Des milliers de pages confidentielles sur les pratiques d'optimisation fiscale des multinationales installées au Luxembourg ont été divulguées en novembre puis décembre 2014.
Elles détaillaient 548 "rescrits fiscaux" - concernant plus de 350 sociétés - généreusement accordés par l'administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.
Les faits datent de l'époque où Jean-Claude Juncker, le président en exercice de la Commission européenne, était Premier ministre du Luxembourg (1995-2013).
PwC avait déposé une plainte en juin 2012, déclenchant une enquête qui avait ensuite rebondi en 2014, après la publication des documents cette fois-ci par l'ICIJ, le Consortium international des journalistes d'investigation.
La France, "solidaire" du lanceur d'alerte
Le ministre français des Finances Michel Sapin a exprimé mardi sa "solidarité" avec le lanceur d'alerte Antoine Deltour et indiqué que la France était prête à lui venir en aide pour son procès.
"Je voudrais lui dire toute notre solidarité", a-t-il dit lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. "J'ai demandé ce matin à l'ambassadeur de France au Luxembourg et au consulat général de bien vouloir suivre, l'aider si c'est nécessaire, dans cette période difficile où il défend l'intérêt général et où pourtant il doit répondre devant une juridiction pénale au Luxembourg", a-t-il ajouté.
"C'est grâce à lui que nous avons pu mettre fin à cette opacité qui empêchait les pays européens de connaître la situation fiscale exacte d'un certain nombre de grandes entreprises au Luxembourg", a-t-il indiqué.