Il a été la bête noire de la zone euro l'an dernier: l'ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis repart au combat. Dans la rue, avec son mouvement pour la démocratie en Europe, "Diem 25", lancé en février. Mais aussi à travers un nouvel ouvrage sur la crise européenne.
Il évoque les incompréhensions qui ont mené les nations européennes à se déchirer, alors que l'euro devait les réunir et s'interroge: "Pourquoi des pays qui étaient intégrés en dépit de leurs différentes histoires, culture et monnaie ont commencé à être divisés par une monnaie commune. C'est un grand paradoxe, non ? Notre mouvement Diem 25 a un objectif très simple: arrêter cela, arrêter ses forces qui nous divisent et détruisent".
-RTSinfo: Aujourd’hui, c’est l’euro, le nouvel autoritarisme ?
Yanis Varoufakis: Restons dans les limites de la raison et de la proportionnalité… Nous n’avons pas de camp de concentration en Grèce aujourd'hui, nous en avions dans les années 60-70. Nous avons démoli le processus démocratique avec les tanks en 1967, et nous avons eu une démolition de la démocratie l’été dernier en Grèce via le secteur bancaire.
Donc nous avons eu de sérieuses fissures dans la démocratie en Europe, qui a été le résultat d’une crise économique causée par l’éclatement de l’architecture de la zone euro.
Mon grand souci est le suivant: aux Etats-Unis, qui sont loin d’être un pays parfait, à chaque fois qu’il y a une crise, les Américains se réunissent, créent des institutions qui stabilisent l’union. En Europe, nous faisons l’inverse. En fait, et ça été mon expérience, les nations sont fières et se tournent le dos. Et les pays faibles sont traités comme des colonies, pour être sacrifiées sur l’autel d’un jeu déplaisant et dépassé entre anciennes puissances européennes. Je dis bien "anciennes", car lorsqu’elles se laissent entraîner dans ce jeu, par exemple la France et l’Allemagne, elles perdent aussi leur propre pouvoir.
-RTSinfo: Et vous rejoignez même Margaret Thatcher, pour qui la monnaie unique allait affaiblir la démocratie…
Yanis Varoufakis: La monnaie est, et sera toujours politique. Et si vous tentez de dépolitiser la monnaie en transférant le pouvoir des Etats à une banque centrale non-élue, qui n’a pas d’Etat derrière elle pour l’encadrer, ces tentatives vont créer des politiques toxiques et faire échouer les politiques économiques. Elle avait complètement raison sur ce point.
Frédéric Mamaïs/olhor