Mediapart et France Inter ont publié lundi les témoignages de huit femmes affirmant avoir été victimes d’agressions sexuelles et de harcèlement de la part du dirigeant historique des Verts français, Denis Baupin. Bien qu'il conteste les faits qui lui sont reprochés, ce dernier a renoncé dans la foulée à la vice-présidence de l'Assemblée nationale. Une enquête préliminaire a été ouverte.
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L'écologiste est non seulement accusé d'avoir envoyé à ces femmes des centaines de SMS au contenu explicite, mais aussi d'avoir tenté de les toucher ou les embrasser sans leur consentement. Selon les témoignages, les faits se sont produits sur une période s'étirant de 1998 à 2014, et n'étaient qu'un secret de polichinelle pour plusieurs membres d'Europe Ecologie - Les Verts (EELV).
"Jeu de séduction" et "réflexologie plantaire"
Ces révélations font écho à plusieurs autres scandales sexuels ayant éclaboussé des élus français. Outre l'affaire DSK, qui est à ce jour la plus lourde de conséquences, on se souvient des démêlés judiciaires de Georges Tron. Le maire de Draveil (Île-de-France) a dû quitter en 2011 ses fonctions de secrétaire d'Etat à la Fonction publique après avoir été accusé d'abus sexuels sur deux de ses collaboratrices, qu'il aimait gratifier de séances de "réflexologie plantaire". Il devra comparaître devant une cour d'assises pour viol.
On se souvient aussi du "jeu de séduction" joué par le maire UMP du Raincy (Île-de-France) Eric Raoult avec une personne à la "plastique agréable", selon ses termes, à qui il a envoyé pas moins de ... 15'000 SMS en neuf mois. "Moi, je suis suspecté d'harceler. Mais on ne soupçonne pas une fille d'aguicher", dira-t-il pour sa défense.
L'intérêt d'une journaliste indexé sur son "tour de poitrine"
Les collaboratrices directes et voisines d'hémicycle ne sont pas les seules à faire les frais de comportements déplacés. Fin avril, un livre mettant en cause Michel Sapin a créé le scandale. Les auteurs de "Elysée Off" racontent ainsi que l'actuel ministre des Finances aurait fait claquer "l'élastique de la culotte" d'une journaliste qui s'était penchée pour ramasser un stylo, lors du Forum de Davos en janvier 2015.
L'intéressé a tout d'abord nié en bloc, qualifiant les allégations de "calomnieuses", avant de reconnaître dans un communiqué diffusé mardi soir des "paroles" et un "geste" "inappropriés", pour lesquels il a présenté des excuses.
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L'anecdote aurait quoi qu'il en soit achevé de convaincre 40 correspondantes parlementaires de co-signer quelques mois plus tard, en mai 2015, un manifeste dénonçant le sexisme de certains élus. Un texte où les mêmes événements sont relatés, quoique de façon sensiblement différente.
C’est un ami du Président qui juge les journalistes 'd’autant plus intéressantes qu’elles ont un bon tour de poitrine' ou un ministre qui, nous voyant penchée pour ramasser un stylo, ne peut retenir sa main en murmurant : 'Ah mais qu’est-ce que vous me montrez là ?'
Lever l'omerta
Cette tribune aux allures de ras-le-bol avait déjà fait figure d'électrochoc il y a un an. Les nouvelles révélations relatives à Denis Baupin semblent avoir un peu plus contribué à libérer la parole. Depuis lundi, plusieurs personnalités politiques ont pris position sur Twitter contre les comportements abusifs auxquels elles doivent faire face dans l'exercice de leurs fonctions publiques.
Et, dans une tribune publiée mardi, un collectif composé de 500 signataires appelle à, enfin, "lever l'omerta".
Pauline Turuban
Un sexisme ordinaire dans l'hémicycle
Sans aller jusqu'aux cas les plus graves de harcèlement sexuel, le sexisme ordinaire qui règne à l'Assemblée nationale est régulièrement dénoncé. Caquètements, insultes, sifflets, commentaires sur leur apparence: dans l'hémicycle, les politiciennes françaises sont encore en milieu hostile, comme le montre ce montage vidéo réalisé fin 2015 par Libération.
Dix cas de sexisme en politique par libezap
Et à Berne?
Peu après l'éclatement de l'affaire DSK en mai 2011, La Première a révélé que la Berne fédérale n'était pas en reste. L'enquête (écouter ci-dessous "Les serial harceleurs de la politique fédérale") a mis en évidence le fait que de nombreuses femmes journalistes étaient victimes de comportements pressants, voire de dérapages, de la part de politiciens. Et que, en Suisse comme en France, la loi du silence régnait.
Une correspondante à Berne tempère toutefois: "Il n'y a pas de gros scandale à ma connaissance. Ça drague un peu, mais de manière 'civilisée'. Nos élus sont visiblement mieux élevés que les Français!"