L'administration Obama a donné vendredi la consigne à tous les établissements scolaires publics des Etats-Unis d'autoriser les élèves transgenres à utiliser les toilettes qui correspondent à leur identité de genre -c'est à dire l'identité sexuelle à laquelle ils ont le sentiment d'appartenir, indépendamment de leurs caractéristiques biologiques.
Il s'agit d'une recommandation, elle n'est pas juridiquement contraignante, mais les écoles ne s'y pliant pas pourraient être privées de certaines subventions fédérales. Avec cette circulaire, le gouvernement américain entend mettre la pression sur l'Etat de Caroline du Nord, contre lequel il est engagé dans un bras de fer judiciaire depuis le début de la semaine.
Mouvement de protestation porté par les artistes
En cause, un texte promulgué le 23 mars par le gouverneur républicain de cet Etat du sud-est des Etats-Unis, Pat McCrory, qui impose l'utilisation des toilettes publiques en fonction de l'identité sexuelle assignée à la naissance, et non de l'identité de genre.
Jugée discriminatoire pour les personnes transgenres, qui souffrent précisément d'une discordance entre leur genre biologique et celui auquel elles se sentent appartenir, la loi a très vite déclenché un mouvement de protestation, d'abord porté par des artistes. Bruce Springsteen, Pearl Jam, Bryan Adams, Ringo Starr, Demi Lovato et Cyndi Lauper ont tous annulé des concerts dans l'Etat pour marquer leur désapprobation.
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Plusieurs multinationales ont aussi pris position: la banque allemande Deutsche Bank a ainsi annoncé le gel des 250 postes qu'elle prévoyait de créer en Caroline du Nord, tandis que le spécialiste du paiement en ligne PayPal a renoncé à établir un centre d'affaires qui aurait employé environ 400 personnes.
Poursuites judiciaires croisées
Pat McCrory a consenti mi-avril à restreindre le champ d'application du texte aux bâtiments publics mais cette modification n'a pas suffi à calmer la grogne des opposants au texte. Et lundi, la polémique a pris une tournure judiciaire assez étonnante, le gouverneur frondeur et le gouvernement se poursuivant mutuellement en justice.
Précisant qu'il n'appréciait pas le "zèle flagrant et infondé" de Washington, le premier personnage politique de Caroline du Nord a porté plainte contre le ministère de la Justice dans l'espoir de voir valider sa mesure. "Je prends cette initiative pour m'assurer que la Caroline du Nord continue à recevoir des fonds fédéraux dans l'attente d'une décision judiciaire", a déclaré le gouverneur.
Cette action a une portée dépassant nettement le cadre des toilettes. En jeu sont la dignité et le respect de nos concitoyens.
Quelques heures plus tard, le ministère de la Justice américain a annoncé à son tour qu'il saisissait la justice fédérale contre le texte qui, d'après la ministre de la Justice Loretta Lynch, va à l'encontre des principes d'équité et d'intégration garantis aux citoyens américains. "Une telle discrimination est illégale", a-t-elle affirmé, en traçant un parallèle avec les lois qui avaient introduit la ségrégation raciale dans le pays.
Pauline Turuban