En Ukraine, sur une ligne de front qui n'existe pas

Le conflit en Ukraine a débuté en novembre 2013 après une décision du président Viktor Ianoukovitch de ne pas signer un accord d'association avec l'Union européenne. Les opposants pro-européens commencent à manifester surtout dans l'ouest du pays et notamment sur la place Maïdan de la capitale Kiev, qui devient l'épicentre de la contestation. Dans l'est du pays à majorité prorusse, on rejette ces manifestations.

Cette crise aboutit à la fuite de Ianoukovitch et à l'arrivée d'un nouveau gouvernement pro-européen. Le président russe Vladimir Poutine dénonce un coup d'Etat et promet des représailles.

Proche de la Russie, la Crimée rejette les nouvelles autorités et organise un référendum d'autodétermination en mars 2014 alors que des soldats russes, déjà stationnés dans des bases militaires dans la péninsule, et des groupes paramilitaires prorusses occupent en partie le terrain. Le oui est massif. La Crimée est annexée à la Russie, même si l'ONU ne reconnaît pas le vote. Ce scrutin fait des émules chez les pro-Russes, notamment dans les régions de Donetsk et Lougansk, tout à l'est du pays. Ceux-ci organisent de nombreuses manifestations et envahissent des bâtiments administratifs. Les pro-Ukrainiens réagissent et un conflit armé éclate en avril 2014.

Les rebelles de l'est, soutenus par Moscou, organisent finalement à leur tour un référendum d'autodétermination le 11 mai 2014, qui est rejeté par les autorités de Kiev. Ce vote est accompagné d'un regain de violences entre les deux camps.

Au final, après d'importants combats et des sanctions occidentales contre Moscou, un accord de cessez-le-feu est signé à Minsk, en Biélorussie, en septembre 2014, avec une ligne de front et une zone d'exclusion militaire. Toutefois, cet accord n'a de loin pas toujours été respecté et les affrontements meurtriers n'ont jamais vraiment cessé sur la ligne de front.

Le nombre de victimes est difficile à établir, mais le conflit aurait fait 9300 morts et un million et demi de déplacés. Et des combattants et des soldats sont encore régulièrement tués, avec ainsi cinq militaires ukrainiens tués lors de combats le 29 mai dernier.

>> Les précisions de François Ruchti sur la situation aujourd'hui :

L'aéroport de Donetsk reste un épicentre des tensions entre rebelles prorusses et forces ukrainiennes. Début juin, les premiers ont accusé les seconds d'avoir lancé un assaut non loin du tarmac, ce que l'armée ukrainienne a démenti. De nombreux incidents ont été enregistrés ces derniers mois après une relative accalmie.

Les checkpoints séparant l'Ukraine et la zone prorusse cristallisent aussi ces tensions. Il n'y a actuellement que quatre points de passage entre les deux régions et la population locale attend souvent plus de 10 heures pour traverser. Fin avril, quatre civils sont morts à l'un de ces checkpoints suite à un bombardement.

Malgré les risques, de nombreux citoyens font fréquemment l'aller-retour entre les deux zones pour toucher leur pension de vieillesse, pour accéder au système bancaire (chose impossible dans la République populaire de Donetsk) et aussi tout simplement pour voir de la famille de l'autre côté de la ligne de front.

Selon l'accord de Minsk, les armes lourdes de plus de 100 mm sont exclues dans une zone de 25 km autour de la zone de contact entre les deux régions. Mais cette zone d'exclusion est régulièrement violée.

>> Une vidéo montant des chars ukrainiens non loin de la zone d'exclusion :

Donetsk est une ville industrielle de près d'un million d'habitants située tout à l'est de l'Ukraine. Depuis janvier 2015, elle est contrôlée par les rebelles prorusses, qui en ont fait leur capitale.

Malgré le conflit latent et la proche ligne de front, la ville de Donetsk a peu à peu repris vie. Tout y fonctionne quasiment normalement, que ce soit les bus, les restaurants ou les magasins. L'économie est complètement orientée vers Moscou, on paie en rouble et les marchandises viennent de Russie.

Toutefois, en de nombreux endroits de la ville, les stigmates du conflit demeurent présents et on entend toujours les tirs d'artillerie au loin. Et des officiers russes, officiellement volontaires, sont toujours très présents dans les rues.

>> Donetsk, une ville meurtrie :

La RTS a pu visiter l'hôpital de Kurakhove, en zone ukrainienne, à quelques kilomètres de la zone de front et près de confits sporadiques. S'il s'agit d'un petit hôpital d'à peine 120 lits, il doit accueillir les malades et blessés d'un grand bassin de population, car c'est l'un des derniers de la région à fonctionner.

Avec les combats, il est souvent surchargé et peine à fonctionner avec des moyens limités, malgré l'aide du corps humanitaire suisse.

Avec les personnes qui doivent fuir la guerre, il y a une surcharge de travail, l'hôpital n'est pas prévu pour autant de personnes.

>> Le reportage dans l'hôpital de Kurakhove :

Lors de l'Euro 2012, organisé conjointement par l'Ukraine et la Pologne, la Donbass Arena de Donetsk avait été un lieu de fête, accueillant plusieurs matches. Ce stade quasiment neuf, achevé en 2009 pour une somme avoisinant les 300 millions d'euros et pouvant accueillir près de 50'000 spectateurs, avait notamment vécu deux rencontres de l'équipe nationale ukrainienne.

Quatre ans plus tard, cette enceinte géante n'accueille plus ni supporters ni joueurs. Le stade a subi des bombardements et il a été fermé pour une durée indéterminée. Le club phare de la ville, le Shaktar Donetsk, joue désormais ses matches à Lviv, une ville située à l'autre bout du pays.

L'Euro 2012 a changé l'image de notre région et le foot nous a unis avec le reste de l'Europe. Ce stade vide, c'est beaucoup de souvenirs, mais aussi beaucoup de souffrance.

>> Le reportage sur place :