CONSÉQUENCES POLITIQUES
Le référendum sur le Brexit, dont le résultat s'annonce serré, laisse planer un flou sur l'avenir des relations entre la Suisse et l'Union européenne. En effet, le débat britannique bloque les discussions entre Berne et Bruxelles sur la mise en oeuvre de l'initiative UDC "contre l'immigration de masse". L'enjeu pour la Suisse: atteindre une clause de sauvegarde et éviter l'introduction de contingents.
Or, le timing est serré. La Suisse doit obtenir une solution acceptée par les deux Chambres avant février 2017, afin de respecter le délai constitutionnel. Berne doit donc trouver un compromis négocié avec Bruxelles d'ici l'été, afin de pouvoir le soumettre au Parlement lors de la session de septembre.
Un "oui" au Brexit fait craindre à la Suisse d'être biffée de l'agenda européen pour plusieurs années car l'UE serait accaparée par la gestion de son "divorce" et par la négociation de nouveaux accords avec le Royaume-Uni.
Une nouvelle alliance pour Berne?
Mais certains y voient une opportunité. "Notre pays serait moins isolé dans ses démarches en vue d’obtenir un accès au marché européen des services financiers puisque, au lendemain d’un Brexit, le Royaume-Uni se verrait privé d’un tel accès et serait contraint de négocier un accord dans ce sens avec l’UE", avait estimé le professeur honoraire de science politique à l'Université de Genève Philippe Braillard en avril dans Le Temps.
D'autres voient même le départ de Londres de l'UE comme la possibilité d'une nouvelle alliance pour Berne. Selon l'ancienne ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey sur les ondes de la RTS, un Brexit forcerait le Royaume-Uni à renégocier son partenariat avec l'Europe via des accords bilatéraux ou en rejoignant l'Association européenne de libre-échange (AELE). Dans ce dernier cas, estime-t-elle, l'AELE sortirait renforcée, et la Suisse en bénéficierait.
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CONSÉQUENCES ECONOMIQUES
La Banque nationale suisse a mis en garde jeudi contre "les incertitudes et les turbulences" à l'approche du référendum britannique. Elle a toutefois déclaré qu'elle restait prête à intervenir sur le marché des changes le cas échéant.
Interrogé dans l'émission Forum, le directeur de la BNS, Thomas Jordan a d'ailleurs précisé "qu'un Brexit ne fait pas partie de notre scénario de base".
Le franc suisse a d'ailleurs retrouvé son statut de monnaie refuge et a déjà connu une flambée depuis la publication ce week-end de sondages favorables à une sortie de l'UE, ce qui a provoqué des inquiétudes sur les marchés.
>> Lire : Les craintes d'un Brexit entraînent une appréciation du franc face à l'euro
Selon une étude de Goldman Sachs, la livre sterling pourrait perdre 11% de sa valeur face à un panier d'autres devises si les électeurs britanniques votent le Brexit. Le franc suisse, lui, prendrait 8% et l'euro pourrait se déprécier de 4%.
>> Lire : La livre sterling pourrait chuter de 11% en cas de Brexit, selon une étude
Menace sur les liens commerciaux et financiers
La Suisse compte parmi les cinq pays qui ont le plus à perdre économiquement en cas de Brexit, après l'Irlande, Malte, le Luxembourg et Chypre, selon l'agence de notation Standard & Poor's. Le renforcement du franc pourrait ainsi être néfaste aux liens commerciaux et financiers étroits qui lient la Confédération au Royaume-Uni. Sans parler des conséquences sur le commerce avec les autres pays friands de produits suisses.
En 2015, le volume des exportations suisses à destination du Royaume-Uni a atteint 13,1 milliards de francs, alors que les importations se chiffraient à 31 milliards de francs (mais seulement 6,6 milliards de francs hors bijoux et métaux précieux), selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Par ailleurs, toujours selon le DFAE, les investissements directs réalisés par la Suisse au Royaume-Uni se montaient à quelque 43 milliards de livres en 2014, soit 60 milliards de francs, et ils ont permis la création de presque 100'000 emplois. Quant aux investissements réalisés par le Royaume-Uni en Suisse, ils étaient de 25,7 milliards de francs.
Néfaste pour le tourisme
L'envolée du franc consécutive au Brexit aurait également des conséquences néfastes sur le tourisme helvétique. La branche craint d'être boudée par la clientèle britannique (et celle des autres pays) qui, avec 4,6% du total des nuitées et 8,4% des nuitées d'hôtes étrangers (chiffres 2015 de l'Office fédéral de la statistique), est le troisième marché étranger pour l'hôtellerie suisse, derrière l'Allemagne et les Etats-Unis. La crise financière dès 2008 a toutefois marqué un net recul des nuitées chez les hôtes allemands et britanniques.
Carolyn McCall, directrice du groupe britannique Easyjet, avait déjà averti en février dans le Sunday Times que le Brexit signifierait "la fin des vols pas chers à travers l'Europe", notamment parce que la compagnie low-cost ne pourrait plus bénéficier du traité de libre-circulation. Une déconvenue pour les voyageurs Suisses: le transporteur compte jusqu'à 200 liaisons par semaine entre le Royaume-Uni et Genève.
Jessica Vial