Abou Moussab al-Zarqaoui est souvent considéré comme le père fondateur du groupe Etat islamique (EI). Celui qui était le leader d'Al-Qaïda en Irak avait été tué dans un raid en 2006, mais il aurait pu être éliminé plus tôt, avant l'invasion américaine de l'Irak en 2003.
C'est le président George W.Bush qui avait refusé d'autoriser le tir, car celui-ci risquait de perturber les plans d'invasion. Si Abou Moussab al-Zarqaoui avait été abattu à ce moment-là, l'EI "n'aurait certainement pas le pouvoir qu'il a aujourd'hui", affirme Nada Bakos dans l'émission Tout un Monde.
Al-Qaïda avait elle aussi appelé à des attaques de "loups solitaires", mais l'EI a recruté tellement plus de monde!
Le problème des "loups solitaires"
Pour cette ancienne analyste de la CIA, une victoire sur le groupe djihadiste en Irak, en Syrie et en Libye n'atténuerait pas forcément la menace.
En effet, "il y a des vides de pouvoir dans lesquels le groupe Etat islamique existe toujours", explique Nada Bakos. "De plus, l'EI a exporté son idéologie en appelant des 'loups solitaires' à agir en leur nom, comme on l'a vu à Orlando", ajoute-t-elle.
Même si Al-Qaïda est un groupe beaucoup plus hiérarchisé, plus vertical, plus organisé que l'EI, il avait lui aussi déjà appelé à des attaques de "loups solitaires", rappelle Nada Bakos. "Mais le groupe Etat islamique a recruté tellement plus de monde! C'est ce nombre qui pose problème."
Trois stratégies de lutte
Il s'agit de lutter contre un "djihadisme sans leader", une "idéologie" et non seulement des terroristes. Par conséquent, la réponse doit être "multi-sectorielle" et doit s'orienter selon elle dans trois directions principales.
Premièrement, il faut "mettre fin à ces guerres interminables" en Syrie, en Irak et en Libye, ce qui "retrancherait au groupe Etat islamique une immense partie de son pouvoir", estime Nada Bakos.
La meilleure dissuasion, c'est de comprendre un individu avant qu'il ne commette un crime
Le deuxième angle d'attaque est diplomatique. Il faut combattre l'idéologie à la base du terrorisme islamique en travaillant avec nos alliés traditionnels au Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite, mais "aussi avec des pays que nous ne considérons pas habituellement comme des alliés".
Enfin, les Etats-Unis doivent "mettre en place des programmes intérieurs de lutte contre l'extrémisme violent" à destination des personnes attirées par cette idéologie, estime-t-elle.
Il faut également augmenter les moyens policiers au niveau local car, pour Nada Bakos, "la meilleure dissuasion, c'est de comprendre un individu et d'avoir une interaction avec lui avant qu'il ne commette un crime".
Un retrait à double tranchant
Nada Bakos estime qu'il faudra du temps pour neutraliser ou réduire le risque terroriste. "Je ne vois pas les gouvernements mettre en place les grands programmes nécessaires pour endiguer la menace", dit l'ancienne analyste de la CIA.
Dans cette optique, elle affirme qu'un retrait des Occidentaux du Moyen-Orient serait à double tranchant. D'un côté, cela priverait les groupes terroristes d'un de leurs arguments majeurs, reconnaît-elle.
A l'inverse toutefois, ce retrait enlèverait aussi toute influence et tout contrôle sur la réduction de la menace, "et ce serait bien pire", poursuit Nada Bakos. "Nous devons jouer très finement dans notre comportement futur au Moyen-Orient", conclut-elle.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/dk
Nada Bakos, une experte du terrorisme islamique
Nada Bakos, une ancienne analyste de la CIA, a fait partie de la petite équipe qui a traqué et retrouvé Oussama Ben Laden. Elle et ses collègues - surtout des femmes - ont inspiré le personnage incarné par Jessica Chastain au cinéma dans "Zero Dark Thirty".
Au sein du service clandestin du service de renseignement américain, Nada Bakos était plus particulièrement chargée de cibler Abou Moussab al-Zarqaoui, le leader d’Al-Qaïda en Irak.