"Chapeau, la Grande-Bretagne!", titrait en énormes lettres le Daily Mail, un tabloïd qui a mené une campagne virulente contre l'Europe. "Voici le jour où le peuple silencieux de Grande-Bretagne s'est élevé contre l'élite méprisante de Bruxelles et une classe politique arrogante et déconnectée".
Le Daily Express saluait "une victoire glorieuse" tandis que Daily Telegraph, autre journal pro-Brexit, saluait la "naissance d'une nouvelle Grande-Bretagne". "On se rappellera du 23 juin 2016 comme du jour où les Britanniques ont voté pour reprendre le contrôle de leur pays".
Les pro-Europe plus sombres
Du côté des pro-Europe, le Times titrait sobrement sur le "séisme du Brexit". Le tabloïd Daily Mirror adoptait un ton plus sombre, demandant en première page: "que diable va-t-il se passer maintenant?".
Dans le même camp, The Guardian titrait "Fini. Et dehors", au-dessus d'une photo du Premier ministre démissionnaire David Cameron. "Le pays s'est engagé dans un voyage périlleux au cours duquel notre politique et notre économie doivent se transformer", écrit le journal dans un éditorial.
Le quotidien le plus vendu au Royaume-Uni, The Sun, qui avait affiché sa volonté de voir le pays sortir de l'UE, a choisi samedi de relever la confidence que le Premier ministre aurait faite vendredi à son entourage pour expliquer sa démission: "Pourquoi ce serait à moi de m'occuper de toute cette merde?".
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afp/kkub
Pour la presse romande, l'UE doit se réformer en profondeur
Les éditorialistes romands voient dans le résultat du référendum britannique de vendredi une obligation de mue pour une Union européenne en mal d'identité. Mais la réforme sera longue, préviennent-ils. Certains relient aussi le Brexit à l'initiative du 9 février 2014.
"L'Europe ne peut pas rester les bras ballants, hébétée après la claque, ou alors pire, elle ne peut se complaire dans l'espèce de chantage revanchard qu'elle avait manifesté envers la Suisse il y a deux ans et demi. L'introspection doit être profonde et authentique", analyse samedi 24 heures dans sa version papier.
Pour la Tribune de Genève, le Brexit pourrait même "représenter une chance pour l'Europe aussi bien que pour la Suisse". Cette sortie peut donner naissance à une "UE plus démocratique, plus sociale et flexible, plus ouverte sur les tiers". Mais le journal lémanique de prévenir que "toute réforme en profondeur s'inscrira dans un temps long, très long. Ce n'est pas celui de l'économie, ni des peuples, dont la patience n'est pas la première vertu".
Réveil des peuples
"Le vote de jeudi ouvrira-t-il la voie à une autocritique et à une reconfiguration politique?", se demande dans la même veine Le Courrier. "L'heure est à la grandiloquence. Sauf peut être en Suisse. Le vilain petit canard non européen se sent un peu moins seul, même s'il sait qu'il subira de sérieux dégâts collatéraux".
Pour le journal genevois, "un parallèle peut être tiré entre les raisons qui ont poussé les Britanniques à l'Alleingang et l'isolationnisme suisse: refus d'une technostructure opaque et jugée liberticide".
Dans son édition papier de samedi, La Liberté évoque de son côté "un désaveu cinglant pour l'Union européenne". "Les citoyens du Royaume-Uni ont sonné une forme de réveil des peuples; ils ont dit haut et fort qu'ils ne se reconnaissaient plus dans l'Europe telle qu'elle est devenue depuis son élargissement à l'Est: un club hétéroclite en panne de moteur et de récit fédérateur".
"Comme le 9 février"
Le Temps, lui, met en garde la Grande Bretagne sur la difficulté de naviguer seul: "Réussir seul dans un monde fabriqué de connexions multiples est un pari dangereux. La Suisse, qui a négocié des dizaines d'accords bilatéraux pour ne pas rester à l'écart, en sait quelque chose." Et Le Nouvelliste de prédire de "longues négociations coriaces".
"Pour la Suisse qui a vécu ça le 9 février 2014, il y a comme un air de déjà-vu", note le quotidien valaisan. "Les craintes suscitées par la hausse continue de l'immigration ont entraîné les Britanniques comme les Helvètes à remettre en cause leurs relations avec l'Union européenne". "Le Brexit, c'est le 9 février de l'Union européenne et du Royaume-Uni, à l'échelle XXL, lance même 24 Heures
Unité en question
L'Agefi adopte un ton grave: "Le Royaume-Uni va peut-être y laisser son unité, l'UE aussi, et c'est bien de cela qu'il s'agit: il faudra compter dix ans de détricotage et de brume en Europe. Avec les inconnues inhérentes à ce genre de situation, ce qui ne va certainement pas favoriser la conjoncture globale".
"Quelle Europe voulons-nous ?", se demande pour sa part l'Hebdo. Et de constater amèrement que "l'Europe fiscale, budgétaire et sociale n'existe toujours pas (...) La monnaie est le miroir d'un peuple, elle n'est pas son horizon. La charrue a été mise avant les bœufs", observe l'hebdomadaire.
Enfin pour Le Matin, "le principal problème de l'Europe, c'est qu'elle s'est construite sur un idéal pas toujours compatible avec la volonté populaire (...) Le Royaume-Uni incarne bien cette ambivalence", note-t-il.
Il conclut: "Ce 24 juin 2016, l'Europe a perdu un de ses poids lourds. Alors que la France et l'Italie sont incapables de faire contrepoids, l'Allemagne va se retrouver bien seule comme leader d'un colosse non seulement aux pieds d'argile, mais en plus amputé".