C'était l'un des arguments clés des militants en faveur d'une sortie de l'Union européenne: avec le Brexit, les 350 millions de livres sterling versés chaque semaine par le Royaume-Uni à l'UE pourraient être réinvestis dans le National Health Service (NHS), le système de santé publique britannique. Ce slogan était même placardé sur les bus du camp du "Leave" qui ont sillonné le pays pour récolter les voix des derniers indécis.
Mais vendredi matin, le leader du parti eurosceptique britannique UKIP a provoqué un tollé en admettant à la télévision que "c'était une erreur" et qu'il était impossible de faire une telle promesse. Si lui n’avait personnellement jamais utilisé cet argument pendant la campagne, il ne l'avait jamais démenti non plus.
Franchement, si les téléspectateurs pensent qu'avec leur vote il n'y aura désormais plus aucune immigration en provenance de l'UE il vont être déçus.
Vendredi soir le député conservateur Daniel Hannan, lui aussi partisan du Brexit, a déconstruit un autre argument dominant de la campagne en faveur du "Leave": la restriction de l'immigration et de la libre circulation. "N'imaginez pas que si nous quittons l'UE, cela signifiera zéro immigration en provenance de l'UE", a-t-il dit. "Je crois en la participation à un marché commun, qui implique la libre circulation des forces de travail", a-t-il déclaré face à son intervieweur médusé.
Daniel Hannan a ajouté: "Franchement, si les téléspectateurs pensent qu'avec leur vote il n'y aura désormais plus aucune immigration en provenance de l'UE, il vont être déçus. (...) Tout ce qu'on demande, c'est que les personnes qui immigrent et leur nombre soient un minimum contrôlés."
Une ambiguïté sciemment entretenue?
Ces deux déclarations ont suscité la colère de nombreux Britanniques, qui accusent les politiciens d'avoir menti ou en tout cas entretenu sciemment l'ambiguïté autour de thèmes déterminants.
Après son intervention à la BBC, Daniel Hannan a déploré sur Twitter que "beaucoup de ceux qui ont voté pour rester dans l'UE s'en prennent maintenant à [lui] parce qu'[il] ne veut pas limiter drastiquement l'immigration." Ce à quoi un journaliste lui a répondu: "A mon avis, ils sont plutôt furieux parce que la campagne pour le 'Leave', à laquelle vous participiez, a clairement dit que ce serait le cas."
Sur le réseau social, les réactions outrées à ces déclarations ont été nombreuses.
"Je ne m'attendais pas à ce que les pro-Brexit renient leur arguments de campagne aussi tôt, mais Farage et Hannan en sont déjà là. C'est méprisable."
"Les menteurs sont démasqués: si tous les électeurs qui ont voté pour le 'Leave' regardaient ces deux vidéos, combien changeraient leur vote?"
"Je pense sincèrement que c'est mal de faire de la politique basée sur le principe du 'consommateur averti'. Les politiciens ne devraient pas mentir."
De nombreux électeurs favorables au "Leave" expriment des regrets
Parallèlement, les médias britanniques comme Metro et les réseaux sociaux (sous les hashtags #Bregret et #Regrexit) ont relayé depuis vendredi matin de nombreux témoignages de citoyens regrettant d'avoir déposé un bulletin "Leave" dans l'urne. Certains témoignages ont été compilés en vidéo par The Independent (en anglais).
Sur Twitter, la journaliste Louisa Compton affirme avoir recueilli beaucoup de témoignages de ce type à Manchester.
Et sur Google au Royaume-Uni, le terme "regret" serait fortement associé au Brexit.
Si les raisons évoquées par ces "Bregretteurs" sont multiples, une partie d'entre eux ont le sentiment d'avoir été dupés par les "fausses vérités" énoncées durant la campagne.
@_ItsKim__ I voted out... Do I regret it? A little! But I blame the campaign for Remain and Leave. It was just ridiculous!!! I honestly
— Tracy A (@Tracy_A_UK) 24 juin 2016
"J'ai voté pour la sortie... Est-ce que je le regrette? Un peu! Mais je tiens les campagnes du "Remain" et du "Leave" pour responsables. C'était ridicule", a déclaré une autre internaute sur Twitter.
Certains déplorent notamment d’avoir cru ceux qui affirmaient qu’il n’y aurait aucune conséquence économique après le vote du Brexit car, contrairement à ce qu'avait promis Nigel Farage, la réaction des investisseurs du monde entier a été immédiate.
>> Lire : Onde de choc sur les marchés mondiaux après l'annonce du Brexit
"La livre a plongé et je regrette immédiatement ma décision. En plus, Farage est un sale menteur!", a ainsi commenté @RyanRich_ sur Twitter, dans un message qui a été effacé après avoir fait le tour du monde.
Assumer les conséquences... ou espérer revoter
Les déclarations de cet ordre ont été dans l'ensemble très mal accueillies sur les réseaux sociaux, leurs auteurs étant qualifiés d'irresponsables et invités à assumer les conséquences de leurs actes.
"A toi qui a voté 'Leave' mais es maintenant 'choqué' et 'inquiet' que ton vote ait compté, bien joué. Imbécile."
"'J'ai voté 'Leave' parce que je ne pensais pas que mon vote compterait. TOTALEMENT INCROYABLE."
"Comment peut-on traiter un vote aussi important avec une telle désinvolture et le regretter quelques heures plus tard?"
"Ne venez pas me dire que vous 'regrettez votre vote'. Vous êtes des adultes qui ont traité la démocratie comme un jeu - assumez les conséquences."
Par ailleurs, une pétition destinée à ceux qui regrettent leur vote et réclamant l'organisation d'un nouveau référendum a été lancée. Samedi en fin d'après-midi, elle avait déjà recueilli près de 1,9 million de signatures.
"Un 2e round?" propose cette internaute qui avait auparavant tweeté qu'elle regrettait "profondément d'avoir voté pour la sortie de l'UE".
"Ce vote sur le Brexit donne une tout autre dimension au 'regret du lendemain'"
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Pauline Turuban