Le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne n'était pas un exercice de démocratie directe "mais un plébiscite", car "dans une démocratie directe, c'est une minorité du peuple qui peut déclencher un référendum", affirme le Suisse Andreas Gross mercredi dans Le Journal du matin de La Première.
"Un cumul de colères et de déficits politiques"
L'ancien conseiller national PS juge sévèrement le Premier ministre britannique David Cameron, qui selon lui a fait valoir son "intérêt personnel" en promettant un référendum à ses adversaires au sein de son parti - déchiré entre pro-Européens et eurosceptiques - dans le seul but de conquérir le pouvoir.
David Cameron a fait preuve d'"irresponsabilité" en menant cette consultation dans un pays où "depuis 20-30 ans, on a négligé l'instruction civique et les intérêts de la classe populaire", estime celui qui a été membre durant 20 ans de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
"Au Royaume-Uni, il y a un cumul de colères, de déficits politiques - par exemple dans les écoles, dans la santé, dans l'infrastructure de chemins de fer", avance Andreas Gross pour expliquer le résultat du vote. Il souligne également "la concentration de la richesse dans la région de Londres et l'abandon des régions anciennement industralisées."
"Un appel pour une autre Europe"
Le malaise en Europe n'est pas seulement la conséquence du divorce souvent évoqué entre les élites et le peuple, déclare l'historien. Selon lui, la cause est encore plus profonde et réside dans l'"expertocratie" qui dirige l'Union européenne, et en particulier la Commission européenne et la Banque centrale européenne.
Ces institutions interprètent les traités et les accords européens sans tenir compte "des intérêts et des besoins" des peuples ni des "majorités démocratiques" dans les Etats membres, explique Andreas Gross. Pour lui, le vote sur le Brexit est donc un refus de "cette Europe expertocratique éloignée de la démocratie". "C'est un appel pour une autre Europe."
Une Constitution pour une nouvelle politique
La solution? "Il faut ouvrir l'Europe à la participation des êtres humains", lance Andreas Gross, qui rappelle qu'"on ne fait pas de politique sans les citoyens". Le socialiste appelle ainsi à doter l'Europe d'une "vraie Constitution" qui pourrait être soumise à un référendum paneuropéen. "C'est un symbole."
Toutefois, au-delà du seul symbole, cette Constitution devrait aussi modifier la politique menée en Europe. "Il faut casser l'hégémonie du marché absolu, de la compétition absolue, de la concurrence absolue comme première et seule valeur" défendue par les institutions européennes, pour défendre à nouveau les acquis sociaux et les droits des travailleurs.
dk