La Finlande, qui partage avec la Russie une frontière de 1340 kilomètres, s'inquiète des ambitions russes depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et se rapproche de l'OTAN. Elle participera à son prochain sommet à Varsovie les 8 et 9 juillet, et Vladimir Poutine n'a pas caché préférer que la Finlande reste neutre.
Dans ce contexte tendu, l'émission Tout un monde s'est intéressée aux "trolls" pro-Kremlin qui postent de nombreux et virulents messages sur internet sous couvert d'anonymat. La journaliste de la radio publique finlandaise Jessikka Aro, qui enquête depuis 2 ans sur ce phénomène, raconte que son travail lui a valu de devenir la cible de ces personnes.
J'ai reçu un appel d'un numéro ukrainien et quand j'ai décroché, j'ai entendu la détonation d'une arme à feu
"Ils ont écrit que je travaillais pour l'OTAN, que j’étais un agent notoire des services secrets américains et des pays baltes. Ils m’ont même accusée d’avoir des activités criminelles! Et ils m’ont envoyé un très grand nombre de messages haineux sur internet, notamment sur Twitter", explique Jessikka Aro.
"J'ai reçu un appel d'un numéro ukrainien, et quand j'ai décroché, j'ai entendu la détonation d'une arme à feu", témoigne encore la journaliste.
"Usine à trolls"
Elle s'est d'ailleurs rendue dans une "usine à trolls" de St-Pétersbourg et a pu recueillir les témoignages d'anciens employés qui ont indiqué que leur tâche était "d'inonder la toile de commentaires négatifs sur les Etats-Unis et sur l'opposition en Russie".
Le gouvernement finlandais a réagi en mettant sur pied des programmes de prévention, notamment dans les écoles. Il s'agit d'"expliquer que tout ce que l’on lit sur internet n’est pas forcément l’opinion de "vraies" personnes mais qu'il peut s’agir de trolls", indique Markku Mantilla, chef de la communication du cabinet du Premier ministre.
Une pratique répandue
Si certains parlent de "guerre de l'information" qui serait menée par Moscou, Erkki Tuomioja, ministre des Affaire étrangères jusqu'en 2015, tempère: "la Russie n'est pas la seule à avoir ces activités. D'autres pays tentent également d'influencer l’opinion publique et utilisent le même type de méthode, y compris la désinformation". L'ancien ministre social-démocrate cite d'ailleurs les médias occidentaux et les pays baltes et estime que "c'est quelque chose que tout le monde fait".
Mais selon Jarno Limnéll, professeur à l'Université de Aalto, et spécialiste de cyber-sécurité, "la Russie s'est montrée plus active et plus agressive" depuis deux ans dans le domaine de la cyber-activité et de la guerre de l'information. "Les Russes sont en train de tester les limites sur ce terrain", selon lui.
>> Lire aussi : Fronde contre l'"usine à trolls" qui inonde le web de propagande russe
Séverine Ambrus/cab
Les inquiétudes du gouvernement finlandais
La Finlande, qui partage la plus longue frontière de l'Union européenne avec la Russie, a publié le 17 juin un livre blanc dans lequel le gouvernement dit "ne pouvoir exclure" une agression militaire de son puissant voisin depuis l'annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014.
"La Russie utilise un large éventail d'instruments militaires et non-militaires pour défendre ses intérêts (...). Le recours à la menace ou à la force militaire contre la Finlande ne peut être exclu", avance le rapport.
Il souligne aussi que la Finlande "aspire à conserver des relations stables" avec la Russie et le ministre des Affaires étrangères, Timo Soini, a dit écarter l'hypothèse d'une "menace imminente" en provenance de l'Est.
Tensions dans la région baltique
Lors du sommet de Varsovie les 8 et 9 juillet, les 28 chefs d'État et de gouvernement de l'OTAN doivent notamment entériner un durcissement de la position de l'organisation vis-à-vis de la Russie, dénoncée par Moscou.
Ce sommet intervient dans un contexte d’activités militaires croissantes dans la région baltique.
De nombreuses intrusions aériennes russes ont eu lieu ces derniers mois. Mais selon Poutine, les incursions des avions de l’OTAN sont bien plus fréquentes.