Des Jeux d'Athènes en 1896 à ceux de Rio en 2016, les Jeux olympiques ont toujours fait rimer sport et politique. Pour illustrer ce mélange des genres, l'émission Forum revient, à travers cinq entretiens avec des historiens du sport, sur plusieurs épisodes marquants de l'histoire de l'olympisme moderne.
Petite histoire politique des Jeux olympiques en cinq épisodes
Saint-Louis 1904
Olympisme, race et nationalisme
En 1904, huit ans après la restauration des JO par le baron Pierre de Coubertin, les olympiades modernes n'en sont qu'à leurs premiers balbutiements. Les Jeux se tiennent à Saint-Louis, aux Etats-Unis. C'est l'âge d'or des nationalismes et de la théorisation de la race.
Fondée au cours du XIXe siècle, l'anthropologie raciale (...) veut montrer qu'il existe des preuves de la supériorité de la 'race blanche' par rapport aux autres 'races'.
Il n'y a pas d'option racialiste chez Pierre de Coubertin, c'est vraiment dans l'école d'anthropologie américaine qu'on trouve cette ambition.
Berlin 1936
Des Jeux au service du nazisme
En 1936, tout le monde sait ce qui se passe en Allemagne, qui est Hitler et quelles sont ses intentions. Les journées de Nuremberg et les lois raciales – qui institutionnalisent l’antisémitisme – ont déjà été imposées.
Et pourtant, les tentative de boycottage échouent et les nations du monde se pressent à Berlin. Les Jeux nazis - au service du IIIe Reich et de son immense appareil de propagande - sont une immense réussite. Comment expliquer ce succès?
Il faut se rendre compte que le nazisme en 1933-1934, notamment par sa politique sportive et sa politique de jeunesse, suscite une sorte de fascination.
Moscou 1980 - L.A. 1984
Les Jeux de la Guerre froide
En 1980, en pleine Guerre froide, les Jeux olympiques de Moscou sont les premiers à se tenir dans un pays communiste. Ce sont les années où les Russes dominent le sport mondial et où la médiatisation explose avec l'avènement de la télévision, démultipliant les enjeux de puissance et de prestige.
Les Jeux de Moscou sont boycottés par les Etats-Unis, qui prétextent l'invasion soviétique de l'Afghanistan. Mais la réalité historique est plus compliquée, selon l'historien Jérôme Gygax. Pour le président Carter, il s'agit en effet avant tout d'éviter à l'URSS de faire des Jeux un instrument de propagande communiste.
Les Américains entendaient utiliser (l'invasion de l'Afghanistan) pour pénaliser l'Union soviétique.
Quatre ans plus tard, scénario inverse: les Jeux ont lieu à Los Angeles et ce sont les Russes qui boycottent la manifestation. Revanche de l'URSS? Une nouvelle fois, la réalité est plus complexe, les Etats-Unis n'ayant pas créé les conditions favorables pour la participation des athlètes de l'Est, explique Jérôme Gygax.
Atlanta 1996
La privatisation des JO et la sacralisation du sport-business
Les JO de 1996 sont hautement symboliques. Il s'agit du centenaire des Jeux modernes. Ces olympiades ont lieu sur sol américain, à Atlanta, et non à Athènes, en Grèce, berceau de l’olympisme. Et pour cause: les intérêts économiques vont l’emporter sur la symbolique historique.
Pour Patrick Clastres, professeur d’histoire à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne, on peut parler des Jeux d'Atlanta comme ceux de la consécration du sport-business.
1996, ce sont les Jeux Coca-Cola, les Jeux Delta Airlines, les Jeux CNN.
Athènes 2004
La fabriques de ruines
Les Jeux d'Athènes, en 2004, sont une sorte d'anomalie historique, puisque la capitale grecque était candidate pour les JO de 1996, ceux du centenaire, finalement attribués à Atlanta. Le choix d'Athènes est donc un choix très politique, presque de compensation.
Au final, les Jeux d'Athènes seront une opération financière désastreuse et une multitude de sites sportifs finiront en décrépitude. La Grèce avait-elle les épaules assez larges pour accueillir ces olympiades? Y a-t-il eu erreur de casting?
Je ne pense pas qu'on puisse dire que le CIO commette une erreur de casting pour les Jeux de 2004. Il va au contraire essayer d'alterner la tradition et la modernité.