"Ils nous traitaient comme des animaux. J'ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve", affirme Samer, un avocat en parlant de ses anciens gardiens durant sa détention.
Son témoignage figure parmi les 65 récits d'anciens détenus qui ont croupi dans les prisons des services de renseignement du régime et dans la prison militaire de Saydnaya près de Damas. Amnesty International a recueilli ces récits et a publié jeudi un rapport, parlant de "cruauté sous sa forme la plus vile".
"Crimes contre l'humanité"
Les actes de torture y sont "généralisés et systématiques contre tous les civils soupçonnés d'être contre le régime", détaille l'ONG basée à Londres. Elle dénonce des "crimes contre l'humanité".
Au moins 17'723 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en mars 2011, soit en moyenne plus de 300 décès par mois, d'après Amnesty qui s'appuie sur de nouvelles statistiques transmises par le Human Rights Data Analysis Group (HRDAG). Cette organisation applique des approches scientifiques à l’analyse des violations des droits humains.
Mais selon les deux ONG, les chiffres réels sont bien plus élevés. Et de citer les dizaines de milliers de disparitions forcées. A titre de comparaison, avant la guerre entre 2001 et 2011, Amnesty International recensait en moyenne quelque 45 morts en détention en Syrie chaque année (entre trois et quatre personnes par mois).
Sinistres rituels
De nombreux prisonniers ont été libérés soit après différentes amnisties décrétées par le régime ces dernières années, soit après des échanges de prisonniers ou après des procès. Ils se trouvent dans des lieux non précisés.
Les anciens détenus ont raconté de sinistres rituels à Amnesty, notamment "la fête de bienvenue", durant laquelle les nouveaux détenus sont "roués de coups" au moyen de barres de fer, de plastique ou de câbles électriques. Autres sévices: décharges électriques, brûlures à l'eau bouillante et viols.
La plupart des victimes d'exactions "ont raconté avoir vu des personnes mourir en détention, et certaines ont affirmé s'être retrouvées avec des cadavres dans leur cellule", selon l'ONG de défense des droits de l'homme.
>> A découvrir également: le webdocumentaire d'Amnesty sur la prison de Saydnaya en Syrie
ats/tmun
Le CICR va examiner les informations d'Amnesty
Interrogé sur le rapport d'Amnesty International dans le Journal du matin jeudi, le directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer s'est dit alarmé et interpellé par la situation dans les prisons syriennes.
"Nous allons comparer ces informations avec les nôtres", a-t-il indiqué, ajoutant que "Un des dilemmes auquel nous sommes confrontés, qui ressort avec ce rapport, est que le CICR a accès aux prisons mais n'en parle pas alors que Amnesty International n'y a pas accès mais en parle".
Et de préciser: "Cela montre que les différents acteurs ont différents rôles. Nous pensons que nous pouvons faire un travail utile dans le dialogue pour améliorer la situation non seulement en Syrie mais aussi ailleurs. Le CICR rend visite à plus d'un million de détenus dans plus de cent pays chaque année".