Une primaire au mois de janvier
Le Conseil national du parti socialiste a précisé le 2 octobre les modalités des primaires qui se tiendront les 22 et 29 janvier 2017 dans 8000 bureaux de vote à travers la France.
Les candidatures pourront être déposées entre le 1er et le 15 décembre 2016. La campagne débutera officiellement le 17 décembre et le PS allouera un budget de campagne de 50'000 euros à chaque candidat.
En 2011, 2,7 millions de personnes, selon le PS, avaient participé à la primaire de la gauche, dont François Hollande était sorti victorieux après un second tour face à la maire de Lille Martine Aubry.
Pour la gauche, l'incertitude principale concerne la décision de François Hollande. Son impopularité atteint un niveau record, les sondages le donnent battu dans tous les cas de figure et le chômage n'a pas baissé, alors que le président avait fait de l'inversion de la courbe une condition pour briguer un nouveau mandat. Malgré tout, le chef d'Etat sortant, très présent dans l'actualité avec une visite à Calais et un discours engagé sur le terrorisme, devrait être sur la ligne de départ.
Même s'il a laissé transparaître une volonté de se présenter durant certains discours récents et même si un site de campagne est déjà prêt, François Hollande, 62 ans, a déclaré qu'il ne se prononcerait pas avant le mois de décembre, soit moins de cinq mois avant le scrutin présidentiel des 23 avril et 7 mai. Mais diverses voix le poussent à accélérer sa décision.
Cette longue attente fait hésiter plusieurs autres candidats, qui n'osent pas se lancer avant d'en savoir plus sur les ambitions de Hollande, ne voulant pas risquer de passer pour un traître. A l'image du Premier ministre Manuel Valls, à qui l'on prête des ambitions présidentielles plus ou moins avouées. D'autres, comme Stéphane Le Foll, Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian ou Najat Vallaud-Belkacem, se posent en fidèles lieutenants, la dernière étant même pressentie pour diriger la campagne présidentielle.
Autre personnalité difficile à gérer pour le PS, Arnaud Montebourg, 53 ans, a annoncé le 2 octobre sa participation à la primaire. L'ancien ministre du Redressement productif du gouvernement Valls (entre 2012 et 2014) en a profité pour rappeler quelques-unes de ses propositions: "Un grand programme politique du Made in France pour soutenir avec un Etat fort et protecteur la réindustrialisation et nos PME", "une stratégie de confrontation (avec l'Union européenne) pour une réforme radicale, sans pour autant perdre et abandonner ou sortir de l'euro".
Fort des 17% obtenus lors de la primaire de 2011 et de son expérience de ministre, Arnaud Montebourg se voit bien en porte-drapeau de la gauche. Mais il est également très contesté dans son propre parti pour avoir tourné le dos à François Hollande alors qu'il était au gouvernement et pour avoir souvent clamé qu'il fallait "tourner la page du quinquennat".
Arnaud Montebourg se veut le porte-voix des ouvriers et il ne manque ainsi pas de dénoncer l'insuffisance de l'action gouvernementale dans ce domaine, et notamment celle de d'Emmanuel Macron. Et l'ancien ministre de l'Economie est justement la personnalité qui lui fait de l'ombre actuellement au niveau médiatique.
L'ancien ministre de l'Education nationale Benoît Hamon, 39 ans, a aussi annoncé sa participation à la primaire. Ancien porte-parole du PS et actuel député des Yvelines, il représente l'aile gauche du parti. Il s'est récemment dit certain de participer au premier tour de la primaire.
De retour d'une tournée américaine, au cours de laquelle il a rencontré l'ex-candidat à la Maison Blanche Bernie Sanders, Benoît Hamon a lancé sa campagne en dénonçant l'échec économique et social de Hollande, voyant "une vraie lacune dans sa démarche". Il se dit certain que le président en exercice perdra la primaire.
Mais ce qui pourrait jouer en défaveur de Benoît Hamon, c'est peut-être sa proximité d'idées avec Arnaud Montebourg. Les deux hommes ont de longue date mené la fronde socialiste contre Hollande, des rapprochements ont aussi été envisagés, mais Montebourg est encore et toujours davantage médiatisé.
Deux autres candidats méconnus se sont lancés dans la primaire à gauche: la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, 65 ans, ancienne ministre du Logement, fait partie des frondeurs qui s'opposent de longue date à Hollande et elle représente aussi la gauche du parti. Autre fondeur et ancien militant d'extrême gauche, Gérard Filoche, 70 ans, devrait lui peiner à réunir les parrainages.
Ancien ministre de l'Economie de Manuel Valls, Emmanuel Macron, 38 ans, a lui annoncé qu'il était candidat à la présidentielle le 16 novembre. Celui qui a claqué la porte du gouvernement fin août pour suivre la ligne de son propre mouvement, "En marche" se veut ni de gauche, ni de droite, mais entend symboliser un renouveau de l'échiquier politique.
Emmanuel Macron souhaite filer vers la présidentielle sans passer par la case des primaires.
Selon de récents sondages, l'ancien locataire de Bercy est vu comme le candidat idéal de la gauche pour 2017 et c'est aussi lui que beaucoup voient comme le seul à même de rivaliser avec le candidat choisi par la droite et la leader du Front national Marine Le Pen.
Emmanuel Macron est aussi apprécié au-delà de son parti et pourrait puiser des voix dans l'électorat centriste de François Bayrou ou dans celui du centre droite d'Alain Juppé, voire même chez Nicolas Sarkozy. A titre d'exemple, Renaud Dutreil, ancien ministre de Jacques Chirac, a lancé le mouvement "La droite avec Macron" et revendique son soutien à l'ancien ministre.
Restent tous les autres qui pourraient se lancer quand ils en sauront plus sur les ambitions de François Hollande et sur les règles de la primaire. Que ce soit au sein du PS ou dans les partis partenaires: Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate), François de Rugy (Parti écologiste) ou Jean-Vincent Placé (Union des démocrates et des écologistes) ont manifesté leur envie d’être associés à la primaire.
Et une dernière personnalité bien connue de la politique française entend bien faire de l'ombre à tous les noms précités: le candidat de la gauche de la gauche Jean-Luc Mélenchon, qui avait engrangé 11% des voix au premier tour de la présidentielle de 2012. S'il a toujours exclu de participer à la primaire à gauche, fort de son succès à l'extrême gauche, il pourrait néanmoins attirer les électeurs socialistes déçus, lui qui est en campagne depuis février. Ancien membre du Front de gauche, il a lancé un mouvement citoyen, "La France insoumise", pour soutenir ses idées. Selon un ministre proche du président Hollande, cité par Le Monde, "le plus dangereux, c'est Mélenchon, c'est le vrai sujet, c'est lui qui peut faire le plus de dégâts".
Frédéric Boillat